Arrivée

Un cheval noir, mustang, s'avance doucement dans l'allée, suivit, à ses cotés, d'un grand chien noir. Sur son dos, une cavalière, toute de marron vêtue, le fourreau de son épée battant contre sa hanche au rythme régulier du pas du canasson, le bouclier sur son dos. Sur son épaule, un chaton, gris et blanc, très mignon, ouvre grand les yeux devant le paysage qui défile.
Un oiseau passe au dessus des tetes, qui ne se lèvent pas. Le chien se promène, allant ici et là, captant le maximum d'odeurs. Le cheval, calme, le regarde aller et venir à sa guise, lui enviant ces quelques instants de liberté.

Arrivés près de la porte, la jeune femme repousse sa capuche, descend du cheval, et signe son chien, qui la rejoint, attentif et sur ses gardes, à ses pieds. Le chaton, voyant le grand soldat devant eux, miaule doucement, mettant en garde de façon claire. Le chien grogne, le cheval secoue sa crinière, mais la jeune femme sourit, confiante.
Elle s'approche de l'homme, et s'adresse à lui, une main sur le pommeau de son épée.

Hé bien ! Quel silence ! est ce ainsi que l'on accueille les étrangers ?

Son regard se pose autour d'elle, notant d'infimes détails que seuls des yeux aiguisés peuvent identifier, puis reporte son attention sur le gardien.

Je suis venue voir Messire Theognis, Baron de ces lieux. Me serais je trompée d'endroit ? Ou bien aurait il peur de venir me voir, pauvre femme que je suis ?

Ses yeux se font rieurs, tandis qu'un sourire amusé éclaire son teint, et que son cheval hennit, riant de ces mots provoquants.

Tigrounette sursaute imperceptiblement lorsque la montagne se met en mouvement, pour venir heurter le sol de sa lance, arme qu'elle ne connait pas.

Cependant, elle se méfie de son pas pesant, dénotant un réel manque d'exercice, mais cachant un excellent combattant. D'autant que, au passage de l'homme, son cheval hennit, agressif, ne quittant pas cette arme qu'il semble connaitre.

Surprise de le voir effrayé ainsi, sa maitresse l'appel, et c'est en ne quittant pas l'homme des yeux que son cheval la rejoint, sabot à sabot, marchant à reculons.

Mais l'intérêt général est ramené au maitre des lieux, qui s'avance vers eux. Devant ce tutoiement soudain, Tigrounette sourit,e t fait signe à son chien, qui vient le renifler, sur ses gardes. Le chaton miaule doucement, tandis que sa maitresse pose une main sur sa tete, lui caressant les oreilles. Mais c'est au seul contact de la main que l'étalon sort de sa fixation, et regarde ainsi le Baron lui servir de l'eau fraiche, la tete penchée sur le coté.

Hé bien ! Quel étrange accueil ! Que de mystères enveloppent ces lieux !

Tigrounette se tourne vers le Baron, et sourit, amusée.

Nous sommes dont si intimes que cela très cher ? Et bien souate ! Vous ne verrez dont pas d'inconvénient à gouter ce tonneau en ma compagnie ? Votre vie semble si ennuyeuse !

Quant à ces animaux, ils ne me quittent pas. En tout cas pas ceux là. Les trois autres sont restés à l'écurie. Je ne trouve toujours pas de repreneurs, malheureusement.

Mais je suis surprise. Dites moi dont, cette lance est si redoutable que cela, pour faire ainsi peur à mon Carnassier ?

Ennuyeuse, ma vie?

Le Baron rit de bon cœur, en ouvrant les portes de l'auberge à Tigroue, avec chien et chat qui la suivent pas à pas. Seul le cheval reste dehors, mais par une fenêtre ouverte il peut voir ce qu'il se passe à l'intérieur et ne se gêne pas.

Ennuyeuse, ma vie....

Il désigne à son invitée une table où elle pourra s'asseoir, la seule table propre de l'endroit, car l'auberge est en travaux et n'a pas reçu de clients depuis longtemps. Cependant, le doux ronflement de la grande cheminée de pierre exhale les bonnes odeurs de l'hêtre et du chêne mélangées, et chasse les relents d'humidité par la fenêtre ouverte.
Passant derrière le grand comptoir patiné par les ans et les nombreux clients qui se sont succédés à son bord, Théo déniche un tonnelet de vin, gardé ici par ses soins. Il le prend sur son épaule, et vient le poser sur la table propre, avec deux coupes entre les doigts de sa main libre. Une pour Tigrounette, une autre pour lui.
Avant de verser le vin, un coup d'oeil inquiet vers le vougier le rassure. Hiératique, l'homme ne bouge pas de l'ombre. Alors, il remplit les coupes et s'asseoit en face de son invitée.

Ennuyeuse, ma vie? Certainement pas. Ma convalescence se déroule lentement, certes, mais il y a assez à faire ici pour ne pas m'en préoccuper.

Trinque avec Tigrounette sans baisser le regard, boit une gorgée de ce liquide gouleyant, et enchaîne.

Le garde d'Arquian n'a pas eu peur de votre cheval, car il un spécialiste du combat contre les cavaliers. Son arme, la vouge est un peu vieillotte, aujourd'hui les armées préfèrent les hallebardes, mais lui n'a jamais connu que les milices communales. Il a ainsi fabriqué son arme lui-même, attachant un soc de charrue à la hampe de sa lance. Contre une charge de cavalerie, il peut ainsi trancher les jarrets des chevaux, d'un mouvement sec. Puis, contre le cavalier tombé à terre, il se sert d'un croc au côté opposé de la lame, pour le frapper comme avec une hache. Les attaches des armures n'y résistent guère.
Mais rassurez-vous, il ne fera rien contre votre cheval, ou contre vous. Je le contrôle.

Caressant du pouce la coupe en bois poli, son visage s'éclaire d'un sourire:

Alors, dites-moi, quels sont vos projets? Que venez-vous trouver à Arquian? Du repos, ou de l'aventure? Que désirez-vous?

Tigrounette reste quelques instants surprise devant l'hilarité de son hôte, puis le suit vers la taverne. Pendant qu'il va chercher le tonneau, elle s'assoit à la place indiquée, jetant un bref coup d'œil à la montagne, qui semble s'être assoupie. Cela ne semble nullement rassurer Carnassier, dont le regard oscille entre sa maitresse et l'homme redoutable. Son regard revient vers le Baron, et constate, surprise, que son chien ne le quitte pas d'une semelle. Le chaton, quant à lui, saute prestement sur la table, puis la chaise, et commence doucement son vagabondage dans la pièce.

Lorsque Theo vient s'asseoir face à elle, le chien se couche près de lui. Tigrounette saisit la coupe, et la porte à ses lèvres, écoutant les propos et ne quittant pas les yeux de son vis-à-vis.

Je comprends que Carnassier ai eu peur de lui, il a dû déja voir cette arme par le passé. Il n'est jamais trop tard pour apprendre. C'est ce que disait mon ...

Son regard se voile, et elle se tait. Frissonne en sentant le ton employé pour "le contrôle" . Mais sourit à la question du Baron.

Ce que je viens trouver ? Mais vous ! Quant à mes projets, je ne sais pas. Je n'aime pas prévoir ce que je vais faire. De l'aventure, sûrement ! Ce que je désire ?

Ses yeux se font mystérieux, provocateurs, et se plantent dans ceux de Theognis, tandis qu'un sourire étire ses lèvres, qu'elle plonge dans la coupe.

Mais un hennissement se fait entendre, et elle se retourne, pour voir son chaton approcher doucement de la montagne en train de se reposer. La main de la jeune femme se porte à son pommeau : s'il le touche ...

Il pose la main sur celle de la jeune femme.

N'ayez crainte....

Son regard croise le sien pour la rassurer, puis il tourne la tête pour héler le vougier:

Rentre au château, je n'ai plus besoin de toi ici! Va me nettoyer le chemin de ronde!

Alors que le vougier s'éloigne, silhouette minérale sous les feuilles jaunies qui tombent, Théo revient à son invitée et lui sourit:

Voilà, il ne vous inquiètera plus, j'espère que vous finirez par vous habituer à lui. De toute manière, il reste à longueur d'année au château, alors que nous irons courir les routes, enfin si tel est votre désir....

S'apercevant qu'il tient toujours cette douce main entre ses doigts, il s'en écarte légèrement, mais garde au coin des lèvres ce petit sourire complice. Il observe le dessin de ses lèvres, la ligne de son menton, imagine la chaleur de sa langue....Avant de revenir un peu à lui pour ajouter:

Ma petite compagnie se nomme les Dragons d'Arquian. Nous avons pour but l'aventure et la guerre, sans occulter les plaisirs de la vie. Réfractaires aux tâches serviles, comme de travailler dans un champ ou d'égorger les cochons, nous tentons de mettre nos passions au service de notre vie.
Si, parfois, par nécessité, nous sommes amené à couper du bois, à pêcher, à cueillir des fruits au verger, nous le faisons. Il faut quelques écus pour vivre nos aventures. Nous ne sommes pas des brigands ou des pilleurs de ville.
Mais nous pourrions être amené, à l'occasion, à mener des embuscades sur les chemins, ou à participer à la prise de certains trésors. Autant, peut-être, pour participer aux batailles en cours que pour notre propre nécessité pécuniaire. Comprenez-vous cela?

Alors que Tigrounette restait à regarder, attendant la réaction (compréhensible) d'un homme dérangé par un chat pendant sa sieste, elle sentit une main sur la sienne, et se tourna pour croiser le regard de son hote. Elle soupira légèrement en voyant la montagne s'éloigner, et son chaton miaulant de mécontentement revenir vers eux.

Hum, je n'étais pas spécialement inquiète. Disons simplement que j'avais crû noter que cet homme n'apprécie pas les animaux. L'ennuyeux, c'est que mon chat a l'air de l'avoir adopté. C'est très rare, alors je suis surprise. Il ne s'est comporté comme ça qu'avec une seule personne.

Mais pourquoi cette montagne ? O_o Tigrounette secoue la tete, perdue, puis revient à son vis-à-vis, qui lui décrit alors sa compagnie.
Un sourire malicieux l'éclaire alors qu'elle lui répond, plongeant son regard dans le sien.

Et vous êtes combien ? Tendre des embuscades n'est pas chose aisée. Il faut un bon niveau, mais surtout un excellent esprit d'équipe. Vous vous connaissez tous beaucoup je suppose ? Ma présence risquerait de vous troubler ...

Le chat, animal aimé des humains, mais aussi compagnie du Diable....Théo pense aux prêtres qui en font leurs gorges chaudes, tout les quatre matins. Un début d'explication? Il n'ose pas en parler à la maîtresse du chaton, lequel monte sur la table pour se lover dans des bras protecteurs. Observant l'animal, le châtelain tente une réponse qui ne le convainc pas lui-même:

Peut-être aime-t-il son odeur? Peut-être que mon vougier sent le bon poisson de rivière?

Un rire un peu forcé s'échappe de ses lèvres, et ses ongles suivent les rides du bois alors qu'il secoue doucement la tête. Voulant chasser le vougier de son esprit, il continue après avoir fini sa coupe d'une bonne gorgée veloutée au palais:

De sûr, nous sommes 4 actuellement, moi-même, le chasseur Gorborenne, l'enjouée Oderay, et Kay la belle ténébreuse....Nous avons aussi une Connétable, spécialiste des écuries, dame Aliénor, dite Poupounet. Un homme va peut-être revenir après une longue absence, messire Luwangel, et un autre nous rejoindre bientôt, messire Adelphe. Enfin, il y a Rodrielle que j'ai invitée pour lui faire visiter le domaine.
Alors, oui, votre venue nous troublerait, certainement....

Petit sourire en coin, énigmatique.

Mais comme du vin versé dans de l'eau pure en trouble la surface avant que les deux liquides ne se mélangent tout à fait. Vous donneriez ainsi des couleurs à notre petit groupe, dans les éclats de soleil de l'horizon, que l'on rêve de découvrir sans cesse.

Théo prit les coupes, et les remplit à nouveau du liquide rubis, sous l'œil intéressé du chaton.

Tigrounette remarque le rire forcé de son hôte, mais sourit franchement à l'évocation du poisson.

Mais mon Frelon n'apprécie pas spécialement le poisson. Alors je ne sais pas ! Peu être est ce la même raison qui pousse mon Venin à vous réchauffer les pieds ?

Elle lui adresse un sourire moqueur, tandis que ses yeux s'accrochent à ceux du Baron. Elle porte doucement la coupe à ses lèvres, pour la vider d'un coup.

Donc, vous êtes quatre, plus cinq potentiels. Et l'armée que vous allez combattre est constituée de combien de centaines d'hommes ?

Ses yeux se plissent, rieurs, tandis qu'elle tend la main, repoussant Frelon, qui tentait de s'approcher sournoisement du verre de Theognis. Puis, elle reprend son sérieux, son ton restant un tantinet léger. Doucement, elle se penche vers son hôte.

Vous me semblez apprécier les rayons de soleil. Il est vrai qu'ils sont beaux, toujours de couleurs différentes, et narguant qui croit pouvoir les atteindre ... Disparaissant toujours au moment le plus opportun. Les comparer à une femme expliquerait votre gout prononcé pour les rencontres sans lendemain.

Tigrounette lève son verre, le portant à ses lèvres, marquant ainsi une pause. Puis, doucement, elle se penche vers lui, lui adressant un regard emprunt de sous entendus.

Mais ... Je pense que vous faites une erreur d'appréciation, très cher. Parce que c'est le soleil le plus volage. Il étire ses rayons, cherchant à atteindre le plus de plaines possibles, caressant suffisamment leurs croupes pour les marquer, et au final, se retire, insaisissable, les laissant toujours plus insatisfaites et insatiables.

C'est terrrrrriblement méchant, vous ne croyez pas ?

Le Baron jette un oeil noir à l'opportun à longue barbe et au sourire réjoui. Ah, il aime donc cela, déranger le châtelain en pleine séduction? Et s'il lui mettait la tête dans ce tonneau de vin, aurait-il toujours sa mine rigolarde?
Théo secoue la tête et reprend ses esprits. Il coule des yeux marris vers la jeune femme.

Je vous présente le maître d'armes du château, chargé de l'entrainement des Dragons....

Le Baron se lève alors et tint un bref et animé conciliabule avec le Vétéran. On y entend chevaux, Connétable, hors de question, dingue, j'irai jamais, etc....

De guerre lasse, le Baron se tourne vers Tigroue:

Voulez-vous bien venir avec moi, que je vous fasse visiter le reste du domaine? Je dois trancher un conflit entre ma Connétable et mon maître d'armes, ensuite je serai tout à vous...

Tigrounette entend d'un coup la porte s'ouvrir, et quelqu'un s'excuser. Elle s'écarte du baron, pour venir jauger le nouveau venu, qui semble ravi d'être arrivé au mauvais moment. Elle saisit le regard de son hôte, et c'est avec un sourire qu'elle regarde le Maitre d'armes, impressionnée.

Tigrounette patiente, le temps de leur petite discussion, se demandant au passage en quoi il était grave de monter à cheval, ni même la raison de la présence d'une connétable. Une maitresse du Baron ? Ses yeux se font noirs, tandis qu'elle le dévisage. Jalouse ? Allons allons. Elle secoue la tête, et se tourne alors vers celui ci.

Une visite ? Ma fois, pourquoi pas. Maintenant que nos verres sont vides, et que j'ai su apprécier, je l'espère, à leur juste valeur vos tonneaux. Et pour ce qui est d'être tout à moi, ne parlez pas trop vite, Baron ...

Mystérieuse, elle se tourne vers le maitre d'armes.

Enchantée Messire, je suis Tigrounette, anglaise à la base, et Joinvilloise par obligation ! ^^
Après notre petite promenade, je serais ravie de tester vos mouvements de pieds !