Un départ raté .... et une arrivée réussie !

Tentant encore de comprendre comment elle avait pu rater le départ, Isa se dirigeait penaude vers le chateau d'Arquian ...

Le départ avait été fixé la nuit précédente. Et elle avait tout mis en oeuvre pour partir ... sauf qu'une fois encore le sommeil avait été le plus fort. Elle avait commencé à s'endormir pendant l'histoire de dragon du conteur. Non pas qu'elle n'aimait pas ses histoires, ça non ! Mais elle avait beaucoup de mal à lutter contre la fatigue intense qu'elle ressentait depuis plus de 4 mois maintenant. Et sa voix rassurante, la chaleur des flammes dans l'âtre et sa main rassurante sur la promesse de vie qu'elle portait .... bref Morphée n'avait pas eu à faire grand chose pour l'emporter dans ses bras.

Un peu plus tard, le souffle du géant dans son cou et un murmure à ses oreilles l'avaient aidée à émerger quelques peu.

Il est l'heure de partir Isa ...

Déjà des bras puissants la soulevaient et l'emportaient vers la chariote... Un baiser sur les lèvres ... celui d'un géange qui a mis tout son coeur à vider les réserves de la Garçonnière avant son départ ... et là ... d'un seul coup ...une nausée s'empara d'Isa. Elle n'eut que le temps de sauter de la chariote pour filer à l'écart, rendre à la nature le contenu de son estomac.
Et c'est barbouillée et franchement sonnée qu'elle était revenue dans la chariote et s'y était laissée tomber, emportée à nouveau par cet irrésistible besoin de dormir.

Le lendemain matin ... CE matin, un coq s'était chargé de lui faire découvrir la triste réalité. Elle s'était recouchée dans une autre chariote et celle-ci n'avait pas bougé. Sa famille était partie sans elle .
Horreur et désespoir ... et maintenant, que faire ?

Spontanément, Isa s'était réfugiée à la garçonnière, bien vide ce matin là. Elle avait rédigé une courte missive au Géange, tellement honteuse de son erreur. Fallait-il qu'elle parte seule pour les rejoindre ? Sans doute ne voudrait-il pas mais elle ne voulait pas qu'il rate une nuit de ... enfin l'activité prévue la nuit suivante .... Mais partir seule ....

La réponse ne s'était pas faite attendre longtemps. Gorbo lui demandait de se rendre au Chateau. Il la rejoindrait là bas le plus vite possible et ils pourraient ainsi reprendre la route ensemble.
Et elle s'était mise en route immédiatement. Et là ... elle arrivait au "Chateau" ... un monstre de pierres noires. Maintenant il fallait l'attendre et espérer que la nuit ne tombe pas trop vite ...

Une halte, sur les routes du royaume. Le Chauve passe à l'arrière de la charrette qu'il conduit pour réveiller sa Douce pour le bivouac. Fatiguée, il l'avait portée endormie à l'arrière de la carriole, l'avait emmitouflé dans des couvertures puis était parti recharger le reste des affaires pour le voyage.

Ne voulant la réveiller, il avait pris soin de ne pas la déranger de tout le trajet, mais, là, au bivouac, quand il soulève la couverture...... plus personne!

- Horizon! Mais où est-ce qu'elle est?

Il ne comprend pas, refuse d'admettre la réalité. Puis un de ceux de la troupe lui dit avoir vu Isa descendre de la charrette peu de temps avant le départ.

- Mais pourquoi elle aurait fait ça?

Pas de réponses...... Avec des geste pressés, le Chauve sort un bout de vélin, griffonne quelques mots dessus, l'accroche à la patte d'un pigeon qu'il sort de sa cage et jette presque celui-ci dans les airs.

- Je lui ai dit de nous rejoindre à Arquian.... Mais j'aime pas de la savoir toute seule sur les routes.

La nuit est longue pour le Chauve. Il n'arrive à prendre plaisir ni pour la veillée, ni pour la cueillette, encore moins à trouver le sommeil. Au matin, à peine leur groupe se met en marche qu'il accélère le pas, ne pouvant attendre pour rallier la Bourgogne, impatient de savoir si sa Belle à pu faire le trajet saine et sauve, s'il pourra la retrouver à Arquian où s'il devra retourner tout le royaume à sa recherche.

Toute la journée, il presse sa monture, la poussant au galop dès que possible, ne prêtant aucune attention au adjonctions du Baron qui par des mots que se veulent rassurants le somme de ralentir. D'ailleurs, une fois passé la frontière Bourguignonne, il n'attend même plus, talonnant les flancs de sa monture pour avaler au plus vite la distance le séparant encore du Castel d'Arquian.

Puis voici enfin le dernier col. Au loin, dans le jour cédant lentement place à la nuit, il distingue encore le Vieux Donjon émerger de la verdure. Il file sur la route menant au château, son cœur fait des bons quand dans la faible clarté, il remarque tout juste des traces d'un passage récent. Il n'ose espérer, mais quand sur les pierres sombres de la bâtisse se dessine comme une tâche de lumière ondoyant dans les plis d'une cape d'un tissus clair, il sait que c'est elle.

Sautant à bas de sa monture avant même qu'elle ne s'arrête, il se précipite vers la frêle silhouette et l'enlace de ses grands bras.

- Tu m'a fais une de ses peurs toi. J'aurais retourné toute la Bourgogne et les Duchés voisins avec pour te retrouver.

Doucement, il passe sa main dans ses cheveux, lui glisse un baiser sur les lèvres et la serre un nouvelle fois dans ses bras.

- Ma 'Tite Lusine

Le temps passe ... s'écoule ... normal, c'est le temps des sabliers ... Le ciel s'assombrit, menace de céder puis une nouvelle éclaircie vient à bout des nuages .... Le shire s'impatiente, grattant du sabot sur le sol... mais elle aime sa compagnie et il le sait. Il la regarde de ses yeux noirs, comme pour essayer de comprendre et de la réconforter ... Elle flatte son encolure, lui murmure quelques mots . Soudain il redresse la tête, les oreilles à l'affût ... elle écoute elle aussi et perçoit bientôt le martèlement rassurant d'un cheval au grand galop.... son cheval à lui.
Un point à l'horizon ... qui grossit à vue d'oeil ... il arrive et saute de son cheval, l'enlaçant de ses grands bras rassurants. Isa s'y réfugie sans se faire prier, se serrant contre lui pour capter la chaleur de son corps et retrouver son odeur.

- Tu m'a fais une de ses peurs toi. J'aurais retourné toute la Bourgogne et les Duchés voisins avec pour te retrouver.

- Si tu savais comme je m'en veux ... je me suis levée juste après que tu me bordes ... un besoin urgent ... et en revenant je me suis trompée de chariote et me suis endormie dans celle juste à côté .... et elle n'a pas bougé de la nuit.

Un doux baiser sur ses lèvres, auquel elle répond avec fougue, et son coeur qui fait un bond inhabituel quand il lui murmure

- Ma 'Tite Lusine

Deux azurs plonge dans ses yeux à lui, une émotion contenue jusqu'ici l'envahit et lentement, elle lève la main vers son visage, puis le caresse avec énormément de douceur .... - Géange ... tu es ... mon géange ... Je ... je crois ...

Ce mot a encore tant de mal à sortir ... tant de souvenirs difficiles remontent à la surface quand il effleure ses lèvres. Elle l'a dit ... récemment ... un peu à la légère peut-être... ou sous le coup de l'émotion. Mais aujourd'hui, en ce moment, il prend une toute autre dimension, en sens nouveau. Ce n'est pas une amitié ordinaire qui les lie. Mais comment croire à nouveau que cela puisse arriver une nouvelle fois ?
Perturbée par les pensées qui l'assaillent, elle essaie de reprendre contenance :

- Et maintenant, on va faire quoi ? On ne peut pas repartir tout de suite, la nuit tombe... tu me fais visiter le chateau dis ?

Moue amusée qui se dessine sur les lèvres de la jeune femme rebelle. L'enfance n'est pas si loin finalement et l'envie de visiter un chateau plus ou moins en ruine l'a toujours titillée. Alors elle titille le géant à son tour. Après tout, il est chez lui ici et elle n'a pas d'autre endroit où aller ...

Soulagé, il ne trouve pas d'autre mots. De la tenir contre lui, il se sent l'esprit léger, alors que toute la journée s'était agité au fond de lui la crainte et la colère, nourrissant son Démon qui se riait encore une fois de lui. Mais là, non, le doux parfum de sa chevelure qu'il hume à plein poumons lui apaise le cœur. Sa chaleur qu'il sent entre ses bras lui rendent calme et sérénité. Il reste là un moment, à goûter de tout son être à ces quelques instants de douceur.

Dans l'obscurité qui les enveloppe de plus en plus, le Géant devine sur les traits de sa Douce l'esquisse d'un sourire auquel il répond en découvrant toutes ses dents.

- Visiter le château? À cette heure? - son sourire se fait plus malicieux - Certains pourraient penser certaines choses...... Mais viens, je vais te montrer mon perchoir..... là haut, personne ne nous dérangera..... Enfin, personne à part le fantôme.....

Relâchant son étreinte à regret, il se dirige vers la poterne du château et s'appuie de toute sa masse sur le lourd ventail. Dans un grondement sourd, l'énorme pan de bois pivote légèrement sur ses gonds jusqu'à laisser un espace suffisant à un homme pour le franchir. Se retournant vers Isa toujours souriant, il tend vers elle sa main en signe d'invitation. Et parle soudain à voix plus basse, comme si d'avoir ouvert la porte du château, il risque soudain de le réveiller du profond sommeil où il est plongé.

- Tu viens?...... Il faut traverser la cour et monter sur le rempart à côté du logis, et puis marcher encore un petit peu en suivant la muraille, mais tu verras, la vue en vaut la peine.....

Heureux moment que celui où à la chaleur de ses bras succède une proposition d'aventure. Jamais elle n'y résiste. S'échapper, découvrir le monde, les mondes réels ou imaginaires qui l'entourent, explorer ... encore et encore.

Depuis sa plus tendre enfance, chaque moment libre - et le ciel sait à quel point ils furent rares ces moments - chaque temps non dédié aux travaux pénibles de la ferme a été mis à profit pour s'évader. Elle a rêvé de fées, d'elfes et de dragons, déchiffrant lentement, à la seule lueur d'une maigre flamme, les contes et récits que lui a offert la jeune damoiselle du chateau, la fille du seigneur dont son père est le fidèle serviteur. Parfois, la damoiselle s'est jointe à elle, dans la petite cabane en bois perchée dans un des marronniers du domaine ... et elles ont imaginé ensemble des histoires souvent effrayantes où ogres et loups menaçaient... Où le parc se transformait en forêt sombre et épaisse, et où derrière chaque arbre se cachait une menace ... de plus en plus terrible. Elles en oubliaient le temps puis craignaient de quitter la cabane à la nuit tombée ... tant leurs imagination faisait se rejoindre rêve et réalité ...

Sans hésitation, elle le suit, frissonnant non de froid mais d'excitation à l'idée de ce que peut contenir pareille forteresse. Le grondement sourd de la porte fait battre son coeur un peu plus vite et c'est sans hésitation aucune qu'elle glisse sa main dans celle du géant ... et qu'elle boit ses mots. L'atmosphère est mystérieuse, humide et calme et tous ses sens sont en éveil. Sans lâcher la poigne rassurante, elle avance à sa suite, traverse la cour endormie, puis grimpe sur les remparts ... elle le suit aveuglément. Tout est noir, impossible de distinguer quoi que ce soit. Le hululement d'une chouette effrayée par les visiteurs inattendus la fait sursauter et vivement elle se rapproche, serrant le bras du géant contre elle ... avant de rire elle-même de sa couardise.

Ils sont déjà sur la partie ancienne du rempart quand Gorborenne sens sa Douce qui s'accroche à son bras au salut de la Chouette. Le Chauve ne peut s'empêcher de sourire. La première fois aussi, il avait été saisi. Mais maintenant, quand il grimpe vers la tour, il attends chaque fois le hululement à son passage. Continuant d'avancer, il passe sa main autour des épaules d'Isa.

- Ça ma Bien-Aimée, c'est le grand duc de la garde d'Arquian. Sa sagesse est aussi profonde que la nuit. D'ailleurs, n'espère mettre un pieds dehors la nuit sans entendre un de ses conseils avisés....

Il sait bien que le hibou le met en garde contre la présence qui réside dans la Tour, enveloppée des plus tristes souvenirs d'Arquian.

Mais déjà ils sont à son pied. Devant eux, la masse de pierre se dresse imposante.

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