[Rp] Une arrivée moins conventionnelle ...

Reculant de quelques petits pas faussement effrayés, il se redresse mais garde son ton cérémonial.

- Oh, je suis sur que même dans votre état, vous pourriez attrapez n'importe quel gibier, sans doute même plus vite que moi.

Sans pouvoir se défaire de son sourire taquin, il salue, rabattant devant lui une cape invisible dans un geste frisant la dérision.

- Mille excuses pour la flatterie, mais en tant que Maistre d'Hôtel de séant, cela fait parti de mes obligations...

Répondant au clin d'œil en lui tirant brièvement la langue comme un gamin, il se retourne dans un éclat de rire et disparait d'un pas rapide derrière la petite butte voisine.

Bon, c'est bien joli de faire le malin, mais encore faut il assumer.... C'est qu'il a du pain sur la planche. Et le Chauve n'a encore jamais chassé dans les bois d'Arquian. Enfin, pas qu'un forêt soit un forêt, c'est plutôt qu'un lapin reste un lapin, et un faisan n'est pas plus malin ici qu'ailleurs.

Après avoir parcouru une petite distance, il s'arrête un moment au pied d'un arbre, observe, hume les odeurs de la sylve. Quelques minutes passent ainsi, lentement, son esprit se met en phase, sa peau de chasseur se tend sur ses muscles. Son instinct s'ouvre en grand sur les bois. Il observe les alentours d'un œil neuf. Un petit détail attire son regard. Il reconnait au pied d'un arbre un peu plus loin le passage d'un loup. Il s'approche pour examiner les traces et les empreintes. Le passage est récent, et si un loup rode dans le coin, c'est qu'il y trouve à manger. il se redresse, cherchant des yeux la garenne où les lapins font leurs terriers.

Bien sûr, elle n'est pas tout près, mais au loin, un tache de lumière un peu plus intense fais déclic dans sa tête. Là bas, un clairière bordée par un talus couvert d'herbes hautes. Et sur se talus, entre les herbes, il est à peu près certain de trouver ce qu'il cherche.

Partant légèrement en oblique, il ne marche pas directement vers la clairière mais la contourne pour venir se placer face au vent. Son pas reste imperceptible sur le tapis d'épines qui jonche cette partie de la forêt, puis l'orée des arbres est là devant lui. Avec des gestes mesurés, il remonte sa manche et défait le nœud de cuir qui barre le tissu de sa chemise. Lentement, il déroule sa fronde d'autour de son bras, en glisse les extrémités fermement entre ses doigts, puis vas dans la poche de son habit chercher un caillou rond. Ses couteaux lui seront d'aucune utilité face à un petit lapin, et l'arc, le Chauve à encore bien du mal à viser juste, alors que la fronde, il la manie depuis l'âge de dix ans. Du coup, le choix s'impose de lui même.

À pas feutrés il s'approche, sa main droite parée à faire tournoyer l'armée et l'autre tenant la pierre dans le lien de cuir. Marcher à contre vent empêche les lapins de le sentir, mais les herbes hautes l'empêchent lui de repérer les bestioles. Il s'arrête, entre l'ombre des arbres et la lumière qui baigne la clairière. Tous les sens au aguets, il guette. Il le sent tout près, il pourrait presque deviner leur petite mines innocentes. Il sourit, et lentement, imprime dans le cuir des mouvements de rotations qui se font plus rapides, mais toujours silencieux...... vraiment tout près.....

- HO!

Il crie, alerte le lapin qui en filant indique sa position. Quelques moulinets encore pour atteindre la vitesse de tir et...

fffffffffffffffft - froutch

Le caillou fend l'air à la suite des herbes qui s'agitent..... mais celle-ci ne cessent justement pas de s'agiter. Le Chauve lâche un juron.

- Horizon!! Pourquoi j'ai râté mon tir moi?

Sans doute la couleur de l'herbe qui lui rappelle une robe d'émeraude, il s'est laissé distraire un instant. Mais il se reprend, déjà un autre caillou vient se loger dans la fronde et celle-ci reprends sa danse, sifflant cette fois dans l'air. D'un pas rapide, il poursuit le lapin, mais cette fois, il guette le meilleur instant pour frapper....

Là!..... relevant le regard vers le talus ou file sa proie, il distingue l'entrée du terrier. Il sait ou viser, reste à attendre l'instant.....

Maintenant!......

criak

Bruits distinctif de la nuque qui se brise sous l'impacte, le Chauve affiche un sourire triomphant et gravissant la pente pour ramasser sa proie. Une bonne chose de faite..... Nouant un filin aux pattes arrières du lapin, il accroche celui-ci à son ceinturon et se remet en route. Revenant sur ses pas, il s'arrête au pieds des pins qui bordent la clairière. Rapidement, il trouve se qu'il cherche. Les pluies d'automne on fait sortir les cèpes dessous les tapis d'épines. Il en cueille quelques uns de bonne taille, sélectionnant les plus vieux et laissant aux jeunes la promesse de parfumer d'autre repas.

Par contre, il lui faudra de l'eau.... Bon, elle est où encore la rivière? Il parcourt un moment l'horizon du regard, se situe mentalement sur les terres d'Arquian et se rend compte que la rivière qui travers le domaine du Baron est assez éloignée de sa position. Changement de tactique, laissant la cartographie pour l'instinct, il se remet en marche vers les sous-bois, les sens aux aguets. Ce qu'il cherche? un piste, d'un sanglier, ou d'un daim, qui le conduira à un ruisseau avec un peu de chance. Il trouve bien des empreintes, mais elle n'ont pas l'air récentes. Peu importe, il tente quand même sa chance et suit le chemin de l'animal. Quand derrière le bruissement du vent dans les arbres il perçoit un léger clapotis, un large sourire vient illuminer son visage. Les vieilles techniques des bois sont toujours les plus efficaces.

Accélérant le pas, il arrive bientôt au pied d'un ruisseau qui coule avec quelques remous timides entre les flancs boisé. Le Chauve prend sa gourde en main et en vérifie le contenu.... Encore à moitié pleine, et il n'a pas envie de gâcher le vin en le diluant. Sur un rocher, il s'assied et prends en main le pan avant gauche de son habit de cuir. S'étant déjà trouver par une fois sans récipient où recueillir de l'eau, il avait imaginer une astuce pour remédier à ça quelques années plus tôt. le pan de cuir qu'il tient en main est relié au reste de l'habit par un lacet passé dans les nombreux trous qui en marquent le bord. Lacet que Gorborenne a tôt fait de défaire pour en détacher le bout. Puis, pliant le morceau de cuir en deux, il se sert du filin pour en lier fermement les bords, formant une espèce de poche souple, suspendue et maintenue par le lacet. Et voilà sa marmite du chasseur remplie d'eau et un Chauve sur le chemin.

Mais à peine a-t-il fait trois pas qu'il s'arrête. Une tâche verte le long du ruisseau attire son regard un peu en contrebas. Le cours d'eau se perds presque sous le feuillage qui le recouvre, mais ce qui le fait sourire, ce sont les petites feuilles en forme de lance qu'il reconnaît sur les plantes. Des consoudes.... Gorborenne cherche un moment à retrouver le nom savant de l'espèce, mais abandonne très vite l'idée. par contre, ce qu'il sait, c'est ce qu'il va pouvoir faire de ses racines.

Prenant garde à ne pas renverser l'eau qu'il tient dans une main, il s'abaisse pour de l'autre arracher délicatement deux petites pousses, et les passe telles quelles à son ceinturon à côté du lapin.

En plus, il n'est plus très loin. En quelques minutes d'un pas rapide, il revient auprès de Kay, un petit sourire rayonnant quand il exhibe le lapin, mais l'air pas très malin avec son habit auquel il manque un morceau..... Il pose leur diner avec les consoudes sur le tronc d'où la Belle ne semble pas avoir bougé, accroche la "sacoche" d'eau à une branche qui en dépasse.

- Je peux vous laisser le dépecer le temps que je vais cueillir du bois sec pour le feu?

Sans vraiment attendre la réponse, il se dirige vers les arbres environnants et arrache ce qu'il lui faut des branches basse privées de feuillage. Il revient quelques minutes plus tard, les bras chargé de bois, les laisse tomber bruyamment à quelques pas du tronc couché et commence à écarter le tapis de feuilles pour creuser à l'aide d'une grosse branche le trou ou viendra se loger le feu.

C’est à nouveau un éclat de rire de la brune qui accompagne celui de Gorborenne avant qu’il ne disparaisse … en fait, il a certainement raison, même dans cet état la belle ferait n’importe quoi s’il s’agissait d’une proie à attraper … jamais rien ne pourrait l’en empêcher …

Dès qu’elle fut seule, le rire de la jeune femme cessa … son regard se refit vide … elle resta là, sur ce tronc … fermant les yeux tout en poussant un soupir des plus profond avant de humer intensément l’odeur de cette forêt qui l’enveloppait … la dernière fois qu’elle avait fait cela c’était … chez elle, dans la forêt qui jouxtait son domaine et qu’elle adorait … aujourd’hui, il ne restait que ruine et tas de cendres de cette immense bâtisse, vestige de son passé et elle savait que plus jamais elle ne remettrait les pieds là-bas …

Un flot de nostalgie la submergea, elle porta vivement la main à ses lèvres, étouffant le petit cri qui tentait désespérément de s’en échapper … elle rouvrit les yeux alors que les larmes se mirent à jaillir … tentative vaine de les retenir … celles-ci coulaient le long de ses joues, inondant son visage blême … C’était la première fois qu’elle se laissait aller, elle s’était pourtant juré de ne pas craquer, de ne plus jamais verser une seule larme et là … Bon sang comme déchirer cette page était difficile ! … tout lui revenait à l’esprit, sa rencontre avec son mari, avec Tristhan, la naissance de ses enfants … leurs disputes, leurs réconciliations, sa manière bien à lui dans il lui caressait la joue du revers de la main en lui disant qu’elle était toute sa vie, sa seule et unique raison de vivre … Pinçant les lèvres, elle enfuit son visage entre ses mains, ses longues boucles brunes retombant en une cascade et la masquant …

Elle ne sait combien de temps elle resta ainsi … laissant libre court à sa douleur, tout en sachant que la souffrance elle ne pourrait jamais la quitter … mais au bout d’un moment qui lui avait sembler une éternité, la belle redressa la tête … essuyant d’un geste presque rageur ses joues humides … il était hors de question qu’on puisse la voir dans cet état … plus jamais elle ne montrerait la moindre faiblesse à qui que ce soit …

Au retour de Gorborenne, elle avait reprit son masque … affichant même un grand sourire à la vue du lapin qu’il lui montrait triomphalement … sans même lui laisser le temps de répondre il s’éloigna de nouveau … bon … comment d’occuper de la bête dans salir encore plus sa robe ? … la choix fut vite fait, la jeune femme remonta le bas de celle-ci sur ses genoux, puis se saisit de la dague qu’elle avait dans sa manche … elle déshabilla le lapin … le vida … une petite grimace aux coins des lèvres … bah oui, elle détestait faire ce genre de chose, elle préférait cent fois tuer un être humain ! … elle finissait sa tâche quand il revint avec le bois … elle essuya sa lame sur le tas de feuilles avant de la ranger et de laisser retomber le bas de sa robe … relevant ensuite son regard vers lui …

J’espère avoir bien fait cela, ce n’est pas ce que je fais le mieux …

Empilant soigneusement le bois dans le trou, en partant du bas les brindilles, puis les branchettes et déjà quelques morceaux de bonne taille. Il laisse de côté le gros bois qui se rajoutera au fur et à mesure de la nuit pour leur apporter la chaleur bienfaisante des flammes.... Distraitement, il lève un œil vers le lapin dépecé et fait une petite moue approbatrice avant de retourner à sa tâche.

De sa besace, il sort l'amadou et les pierres à feu et en quelques mouvement secs, des étincelles jaillissent des silex et donnent naissance à de petites flammèches au bout de la mèche. Rapidement, les brindilles s'enflamment et peu à peu le feu démarre. Il souffle quelques longues bouffées pour l'attiser un peu puis se relève pour ramasser les abats du lapin entre quelques feuilles mortes et s'éloigne de quelques pas.

-Merci,.... Je vais enterrer ça un peu plus loin. Si Aston est dans le coin, il passera sans doute chercher sa part de la chasse plus tard dans la soirée...

Vite fait bien fait, il revient en essuyant la terre de ses mains sur ses braies puis s'approche du tronc, à une bonne toise de là où elle est assise. D'un geste vif, il dégaine ses couteaux et les plante dans l'écorce à une bonne coudée l'un de l'autre plus les ramène vers lui en deux traits perpendiculaires au sens du tronc. Un autre sillon parallèle cette fois et il glisse une de ses lames dans la fente, écartant le liber et l'écorce, y passe ensuite ces doigts et arrache un large pan d'un geste sec.

- Et voilà pour la vaisselle..... c'est bien plus facile quand l'arbre est mort...... puis je ne pourrais me résoudre à faire ça sur un vivant..... enfin, un arbre bien sur.

Un petit sourire se dessine sur ces lèvres, mais il revient à sa tâche, le regard concentré. Il lui reste encore à faire. Un coup d'oeil sur le feu dont les flammes ont atteint une belle taille mais commencent déjà à baisser par manque de bois et il se rassied dans les feuilles, le dos contre le tronc couché et la planche d'écorce sur ses jambes pliées en tailleur. Il attrape le lapin dépecé, le désosse et le découpe en petits morceaux avec une de ses griffes, suivis de près par les cèpes qui viennent s'émincer entre les bouts de viande. Il se relève et dépose le pan de bois sur le tronc, retourne la où il a arracher ce dernier et en arrache un second, qu'il pose là pour plus tard. Il regarde le feu d'un air appréciateur et satisfait. Les flammes sont pour la plupart retombées et les dernières ne tarderont pas à s'éteindre. Mais par contre, un petit tapis de braises rougeoie dans le fond du trou et les quelques morceaux de bois rajoutés à l'instant viendront lui donner consistance, sans que les flammes ne reprennent.

- Parfait pour la cuisson.... Pour la flambée, faudra attendre le dessert....

Il récupère le plateau d'écorce où attend le repas, mais alors qu'il s'apprête à le mettre à chauffer au dessus des braises, il se retourne vers Kay.

- Ah, en fait, je ne vous ai pas demandé, lapin au cèpes et je pensais ajouter encore un peu de laurier, cela vous convient? Cuit sur braises ou en bouillon, selon vos préférences...

Elle le regarde faire sans vraiment le voir … en fait là comme ça, en cette instant, elle aurait envie de se lever et de se mettre à courir, loin , très loin, le plus loin possible … elle a beau avoir revêtu le plus impassible de ses masques … là … dans son esprit, dans sa poitrine … tout est chamboulé, retourné … et pourtant c’est bien la dernière des choses à laquelle elle a envie de penser …

Mettre l'Homme en exil
Le condamné à errer
Entre la vie et la mort
Cette mort tant attendue
Mettant fin à l'agonie de la vie
La mort cette délivrance
Elle devient souvent le seul espoir restant
L'espoir de ne plus souffrir
D'enfin pouvoir exister et vivre
Vivre sa mort pour enfin être considéré et reconnu
Parfois être pleuré, mais si tu aimes
Ne pleure pas l'être perdu, envies-le
Jalouses-le d'être enfin heureux
La mort est souvent cruelle et douloureuse
Mais pour un bref instant
La vie, elle l'est jusqu'au dernier moment

Ces mots … tant de fois ils avaient errer dans ses pensées … tant de fois elle aurait aimé … elle pinça les lèvres, il ne fallait pas qu’elle replonge dans la noirceur, elle arrivait déjà si difficilement à garder la tête hors de l’eau et … sans doute était-ce cette endroit, les souvenirs que cela ravivaient en elle … oui, ça devait être cela … ça passerait, comme toujours … puis si ça passait pas bein … elle aurait toujours le temps de voir …

Un geste de la main dans ses boucles … une esquisse de sourire … elle porte à nouveau ses prunelles sur Gorborenne …

Oui … cela me convient parfaitement et cuit sur braises sera parfait …

Puis … elle ne sait trop pourquoi, petit froncement de sourcils d’ailleurs … elle incline la tête légèrement … porte l’un de ses doigts à ses lèvres, caressant doucement sa lèvre inférieur de la pulpe de son doigt …

Tout à l’heure vous m’avez dis, et je vous cite … « Si je vous dis ce que j'en pense d'aller débusquer une autre Dame, vous allez encore me taxer de vil flatteur », qu’alliez vous répondre ?

Pourquoi lui poser cette question ? Pourquoi vouloir savoir ? Bein en fait elle ne sait pas trop mais une question rester sans réponse … bein elle déteste ça …

Le Chauve met le plateau en équilibre au dessus du trou ou se consument peu à peu les braises et touille un peu dedans à l'aide de son couteau qu'il tient toujours en main, puis l'essuie et le range, en réfléchissant à ce qu'il pourrait bien répondre. Cette phrase lui semble déjà bien lointaine, comme si celle à qui il la dite n'est déjà plus celle qui lui pose maintenant la question. Comme pour gagner un peu de temps de réflexion, il la répète à haute vois.

- Ce que j'en pense d'aller débusquer une autre demoiselle?

Tout en réfléchissant, il continue sa besogne, versant quelques larmes d'eau de son étrange cruchon de cuir sur la chair du lapin pour ne pas qu'elle se dessèche en cuisant, touillant encore un fois, à l'aide d'une brindille cette fois. Après avoir raccroché l'outre à sa branche, il ramasse l'autre bout d'écorce sur lequel il étal les consoudes cueillies un peu plus tôt et se rassied près du feu, la planchette sur les genoux.

- Et bien, je pense qu'à ce moment là, je vous aurais répondu quelque chose du genre: "idiot est celui qui repart chercher un autre trésor sans même ouvrir celui qu'il vient de déterrer".....

Reprenant son couteau, il se met à hacher finement les racines de consoude, si bien qu'en quelques minutes, le pan d'écorce posé sur ses genoux s'est retrouvé couvert en son centre d'une petit tas d'une pâte granuleuse d'où suinte le suc de la plante.

- Interprétez le comme vous voulez, mais pour que vous compreniez ce que cela signifie pour moi, il me faudrait vous raconter une grande partie de ses dix dernières années....

D'un geste rapide, il farfouille dans sa besace et en ressort sa "pochette médicale" d'où il extrait un des petits pots de céramique. Ôtant le couvercle avec une infinie précaution, il déverse un peu de la farine de lin qu'il contient sur les racines hachées puis range le pot, prenant la fiole d'huile de millepertuis dont il déverse quelques gouttes sur le mélange, touillant vigoureusement de la pointe de son coutelas pour bien mélanger le tout.

Relevant le visage vers Kay, il ne peut s'empêcher de sourire. Finalement, peut être que cette réponse est celle qui convient le mieux. Un trésor, oui, mais comme n'importe qui le verrait. Le plaisir qu'il retirait de la compagnie de la Belle est loin de ceux qu'on pourrait lui prêter.

Il pose la planchette devant lui puis se redresse à moitié pour prendre un peu d'eau dans ses mains en coupelle qu'il vient déposer délicatement sur la pâte devenue grasse et collante. Reprenant sa position, il termine d'homogénéiser le tout puis le pose en quinconce par dessus le lapin, parlant tout bas à lui-même...

- Mais qui peut comprendre ce qui se cache sous les feuilles à la croisée des chemins?

Assis face au feu, son regard se perds un long moment dans les braises rougeoyantes, souvenirs douloureux qui à nouveau s'agite au fond des yeux, rappelant sous ses paupière qui se ferment un instant sur l'image suffocante d'un brasier..... Un mouvement de tête à la fois pour chasser ses pensées, mais aussi comme si on ne voulait plus y croire...... comme si cela suffisait......

N’a-t-il pas compris sa question ? Elle en doute … il semble plutôt chercher à gagner du temps … à trouver quoi répondre … heu oui, c’est vrai que la belle à l’art de poser les questions, même plusieurs heures après elle tentera encore d’avoir une réponse … c’est pas qu’elle est têtue … enfin … juste un peu quoi !

En tout cas, le Chauve ne semble pas plus perturbé que cela et continue sa tâche … quand à la brune bein, elle n’a pas trop le choix, elle reste assise sur le tronc tout en attrapant entre ses doigts agiles le lien de sa chemise, et oui encore ! … elle l’enroule, le déroule … arf elle déteste devoir rester comme cela sans rien faire à regarder …

La réponse que lui donne Gorborenne est … elle fronce les sourcils … plutôt imagée … elle n’a rien d’un trésor et elle ne connait personne à part son époux et Tristhan qui ait eu la patience et surtout le courage de prendre le temps de la découvrir … faut dire aussi qu’elle n’a pas toujours bon caractère la petite sorcière … impulsive, entêtée, parfois rancunière, un tantinet râleuse … et là ce n’est que le meilleur ! … certaines personnes diront qu’elle du genre à ne pas connaitre, d’autres la trouve envoutante et mystérieuse … quoi qu’il en soit, elle est ce qu’elle est !

Elle répond au sourire du Chauve … posant l’une de ses mains sur son estomac qui vient d’émettre un petit grognement … Oups … même si elle ne semble pas avoir faim, son corps lui se rappelle à elle … il est vrai que depuis quelques temps, elle mange peu, oublie même parfois de se nourrir … bein oui, quand on est seule on y pense pas toujours hein …

Un murmure des lèvres du Géant d’Orion … sans doute pour lui-même mais l’ouïe fine de la belle a saisit le moindre mots … petit soupir s’échappant de ses lèvres entrouvertes …

Celui qui prend la peine de s’arrêter pour regarder sous les feuilles …

Le regard de Gorborenne se perd alors dans les braises … ses paupières se ferment un moment … la brune peut ressentir les souvenirs et la souffrance qui étreint Gorborenne … lentement sa main vient se poser sur l’épaule puissante … ses doigts se serrant doucement … que dire … rien … lui seul décidera de faire le deuil de ce passé qui le tourmente encore …

..... Une voix dans le lointain.... Toujours plongé dans ses souvenirs, les mots de Kay lui parviennent drapés d'un autre timbre, d'une autre mélodie.... Une main se glisse sur son épaule, sous la peau fraîche des doigts, la chaleur d'un sang plein de vie qui s'écoule à son gré lui semble familière....Il sursaute légèrement, un instant, il a réellement cru..... Mais non, impossible, Elle qui a disparue depuis tant et tant de saisons et d'années....

Tel un ivrogne qui focalise tout son esprit à fixer son regard éthylique sur un objet, il peine un peu à séparer le passé du présent, les images se superposent et s'entremêlent... Au fond de lui, il le sent, son Démon s'agite et change de nature.... Si longtemps qu'il est là, il a appris à le connaître, à se connaître lui-même. Souvent, il perçoit quand son Obscur Locataire cherche à remonter à la surface.... Mais pas toujours....

D'un geste un peu hésitant, il frotte ses yeux du bout de doigts, comme s'il cherchait à se réveiller d'un long sommeil. Lentement, il tourne la tête, alors que lui revient où il est: la forêt, le feu, le lapin, Kay, .... la main toujours sur son épaule.... Cette fois, c'est bien sa main à elle qu'il sent et la douceur du contact lui arrache un sourire encore un peu douloureux.

Sans vraiment réfléchir à ce qu'il fait, il se relève et approche du feu pour vérifier les deux préparations. Le lapin sera bientôt prêt, mais l'autre mixture déjà à température s'est légèrement liquéfiée, sans encore s'écouler pour autant sur l'écorce. Son regard un moment repasse sur les braises, mais étrangement, il ne s'y perd plus, comme lorsqu'on regarde la mer, si calme après une tempête, se demandant si elle a vraiment eu lieu, où si elle est encore à venir.

Portant la main à son épaule, il serre dans ses doigts le tissu de sa chemise et arrache sa manche d'un coup sec. Les paroles de Kay lui reviennent.... "déchirer un page de sa vie".... Il sourit, de façon plus sereine cette fois... Un semblant de réponse commence à poindre en lui. Le bout d'étoffe dans une main, il reste accroupi à côté du feu mais se retourne vers la Belle en pivotant sur ses talons. D'une main, il farfouille les feuilles mortes devant lui jusqu'à plonger ses doigts dans l'humus, et d'en ressortir une bonne poignée, d'une couleur noirâtre et fertile.

- Vous dites vrai. Mais encore faut-il comprendre la richesse de ce qu'on trouve. Regardez, cette terre qui s'effrite entre mes doigts, la réponse est là.... Cette masse qui à première vue pourrait paraître homogène est née de tant et tant de choses que mille vies y sont mêlées.....

Jouant de ses doigts pour que la terre retourne à la terre, il relève un moment un regard vers Kay. Comprend-elle ce qu'il veut dire? Il l'ignore, mais qu'importe. après s'être frotté la main de ce qu'il y restait d'humus, il déchire la manche arrachée en quelques bandelettes de tissus qu'il passe sur son épaule, puis touille délicatement dans la mixture tiède qui prend tout doucement un aspect pâteux.

- Une vie, c'est pareil. Elle évolue au gré des empreintes qui s'y dessinent.......

Revenant vers Kay, le plateau d'écorce dans une main, il s'agenouille devant son pied toujours sur la botte et pose la planchette juste à côté.

- Pour revenir à des choses plus terre à terre, je vais vous appliquer un cataplasme. Les racines de consoude sont encore assez efficaces. Normalement, avec ça, si la blessure n'est pas plus grave qu'elle n'en à l'air, vous devriez juste encore garder quelques raideurs demain matin...

Un léger sursaut … Gorborenne semble ailleurs … loin … très loin dans son passé, dans sa douleur, dans sa souffrance, dans les affres de son esprits apparemment aussi torturé que celui de la petite sorcière … Le temps s’arrête un instant … on pourrait presque entendre les battements de cœur … trêve de leur douleur l’espace d’un moment … mais comme toute bonne chose celle-ci à une fin et bientôt le Chauve tourne la tête vers elle … elle répond à son sourire un peu douloureux par le sien … une esquisse de sourire qui lui dit qu’elle le comprend, qu’elle sait …

Il se lève à nouveau … elle le regarde faire, encore une fois condamnée à devoir rester là, sur ce tronc qui commencent vraiment à lui faire mal aux fesses … mais elle ne dit rien … juste le regarder … incliner légèrement la tête en souriant …

Oui bien sur … chaque personnes que nous apprenons à connaitre laisse sa marque sur nous … cela forge notre vie, notre caractère, sans cela nous ne serions que vide … néant …

Et pourtant … malgré les empreintes laissées sur elle, elle se sent vide … elle se sent seule, même quand elle est entourée … comme si jamais personne ne pourrait la comprendre, la connaitre, l’apprivoisée …
Puis quand bien même, cela a-t-il encore de l’importance maintenant ? Cela en vaut-il encore la peine ?
Elle n’est rien, elle n’est personne, elle n’a plus que l’envie de tout abandonner, de s’asseoir sur le bord d’un chemin et de regarder la vie se poursuivre sans elle …

Cette fois, c’est elle qui sursaute légèrement quand les paroles de Gorborenne la tirent de ses pensées, son esprit reprenant place avec le présent …

Merci … mais vous n’aviez pas besoin de déchirer votre manche pour cela, vu l’état de ma robe … j’aurais pu en sacrifier le bas vous savez …

La fin de sa phrase fut ponctuée par un frisson, c’est qu’à rester sur place ainsi elle commençait à avoir un peu froid, et elle savait que la nuit serait fraiche … si seulement elle avait prit sa cape ! Et dire qu’elle n’avait pas non plus sa besace et la couverture qui s’y trouve … bah … à la guerre comme à la guerre … elle tenterait après comme elle le peut de rejoindre le feu et demanderait au géant d’y raviver les flammes …

Un sourire un peu amusé se dessine sur ses lèvres alors qu'il applique soigneusement le cataplasme sur la cheville blessée. Après, repliant une des bandelettes sous formes de compresse, il plaque celle-ci sur la pâte puis l'enveloppe à l'aide des morceaux de tissus, jusqu'à emmailloter complétement la cheville et le pied de Kay.

-Sans doute, sans doute, mais.... d'une chose, je pense que la dague dans votre manche s'en serait rapidement trouvée en travers de ma gorge. Bon, j'aurais certes pu vous le demander.... mais le "excusez moi, puis-je vous déchirer votre robe?"....... franchement, de quoi j'aurais eu l'air? -sourire ironique- D'un nobliau en rut sans doute.......

Puis sentant le frisson de la Belle se répercuter jusque dans sa cheville qu'il tient toujours en main, il se rend compte qu'avec la nuit presque tombée, la température a déjà bien fraîchi. Et derrière lui, un léger fumet flottant dans l'air lui indique que le repas est prêt.

Dans une spirale artistique, il se relève et se retourne d'un mouvement fait un pas jusqu'au feu puis se penche dessus pour saisir le plateau d'écorce où la chair du lapin blanchie baigne dans son jus mêlé à celui des cèpes dont la taille a bien rétrécie avec la cuisson. Revenant vers Kay dans la même pirouette, il s'incline devant elle lui tendant le plateau, tout en dégainant un de ses coutelas et le déposant dessus en guise de couvert.

- Madame est servie.... mangez tant que c'est chaud.

Le Chauve retourne s'accroupir près du feu pour y remettre du bois et rappeler les flammes en soufflant doucement sur les braises. Mais au bout de quelques expirations, il s'arrête un instant et jette un œil rapide vers Kay. Plus précisément, vers son couteau. Il ne sait pas s'il risque quelque chose d'avoir laissé ainsi son arme à la Belle, mais ce n'est pas ce qui lui titille l'esprit. Jamais lui ou son frère n'avaient été plus loin qu'à portée de main, au sens propre... Jamais il n'en avait confié un à personne. Et pourtant, la lame lui semble à sa place.... impression étrange....

Petit sourire en coin et il se remet à souffler sur le feu qui peu à peu renait de ses cendres. Une fois que les flammes bien hautes jettent leur halo de lumière et de chaleur loin autour d'eux, il retourne s'assoir près de Kay, décrochant la gourde de son ceinturon pour y boire quelques gorgées.

- Par contre, j'aurais moi aussi un question à vous poser. Cela pourrait paraître déplacé et ne répondez pas si cela vous gêne, mais je suis curieux de savoir ce qui vous a poussée à préférer les animaux aux hommes. Où plutôt, comme j'en ai l'impression, ce qui vous a amenée à jeter votre opprobre sur le genre humain en général.

La question est venue d'elle même. En fait, il a déjà un vague idée de ce que pourrait être la réponse. Mais ce qu'il cherche à comprendre n'est pas réellement là, ce qui l'intrigue, c'est juste, comment dire... l'envers du miroir? Pourquoi son reflet se dessine aussi clairement dans son regard....

La jeune femme rit doucement alors que Gorborenne enveloppe sa cheville et son pied … oui bon l’a pas tout à fait tord le Chauve mais c’est aussi mal connaître la petite sorcière … d’un air nonchalant, elle hausse les épaules tout en secouant lentement la tête …

Il va de soit que si vous aviez tenté de le faire vous-même, ma dague comme vous le dites serait effectivement allée se loger dans votre gorge, mais si vous me l’aviez demandé, non … je ne vous aurais pas prit pour ce que vous dites … mais vous auriez du alors souffrir la vue permanente d’un peu de peau nue …

Bien évidement, le ton ironique de la jeune femme ne faisait aucun doute, en fait elle se demandait qu’elle aurait été le degré de gêne ou de mal aise du géant … mais finalement elle n’a pas trop le temps de chercher réponse à sa question, déjà un plateau d’écorce lui est tendu, Gorborenne s’incline devant elle en le lui présentant tout en y ajoutant l’un de ces coutelas … bien sur cela ne fait qu’accroître le rire de la belle … ce genre pompeux ne sied mais alors pas tout au Chauve … néanmoins, elle lui répond en inclinant respectueusement la tête …

Bien le merci Messire …

Ne mange-t-il pas ? La brune fronce légèrement les sourcils alors que le Géant est déjà retourné auprès du feu … pourtant le parfum se dégageant du plateau de fortune, ce fumet … l’estomac de la belle gronde à nouveau … plus le temps de penser là, elle a bien trop faim ! … A l’aide du coutelas, elle se met à manger … sans un mot … sentant seulement le regard de Gorborenne sur elle, ou plutôt sur son bien … un petit sourire nait sur les lèvres de la petite sorcière, elle ne connait que trop bien ce genre de regard, il ressemble à celui d’une personne qui se demande si il a bien fait, si cette partie de lui ne risque rien entre les mains d’autrui …

Les flammes reprennent enfin, la belle peut sentir la douce chaleur parvenant jusqu’à elle, alors ces muscles se détendent quelque peu … par pour très longtemps, à la question du Chauve elle ne peut s’empêcher de se contracter à nouveau … lentement elle pose le coutelas sur le plateau et celui-ci de l’autre côté d’elle avant de se tourner vers le Géant et se poser ses prunelles dans les siennes … elle esquisse un sourire …

Cela ne me dérange aucunement de vous répondre, en fait c’est simple et je pense que vous devez déjà connaitre la réponse … Tout simplement parce que je n’ai jamais été déçue, blessée ou humiliée par le genre animal … le genre humain, et c’est plus fort que lui, ne peut s’empêcher de faire du mal, de faire souffrir … il ne fait que détruire tout ce qui est beau …

Elle soupira lentement, bien sur en disant cela, elle s’incluait dans ce genre humain, et pire que tout, elle se vengeait à sa manière de toutes ces souffrances qu’elle avait subit … Elle passa doucement la main dans ses longues boucles brunes et une petite lueur passa dans son regard … car contrairement à ce que beaucoup pensait, elle savait ce qu’elle faisait et devenait … elle se détruisait tout simplement …

Un sourire, une réponse, un soupir... Puis de nouveau cette présence prédatrice qu'il a senti un peu plus tôt, mais, comment dire, si la première fois, il l'avait sentie montrer les dents le temps d'un clin d'œil, cette fois, dans son regard, il voyait plutôt le fauve roder derrière un voile, discret, mais présent....

Machinalement, il porte son bras dans son dos pour se gratter un peu. Les vieilles traces de brulures le chatouille, son Démon s'agite dans son sommeil, comme s'il sentait la présences toute proche d'un des siens. Oui, c'est là sa réponse. Plus que dans ses mots, c'est dans sa voix qu'il sent le fardeau qu'elle porte en elle. Semblable au sien? Non, peut être pas. Enfin, les raisons diffèrent peut être, mais là blessure semble identique. Pourtant....

- Oui, je comprends... Plus que vous ne le croyez.... Le paradis sylvestre où j'ai grandi fut renvoyé dans l'oubli par la faute des hommes.... - Il marque une pause, s'efforçant de ne pas se souvenir - .... Mais.... - hésite cette fois aux mots à employer - .... Comment dire, chacun de nous porte en lui un fardeau si douloureux qu'on ne peut vivre sans s'aider de ..... en ce qui me concerne, je l'appelle mon Obscur Compagnon.

Il se tapote crâne du bout d'un doigt en ramenant son regard sur les flammes.

- Il est là, qui s'agite et qui murmure, cherchant à faire ressortir toute ma haine et ma douleur. Il arrive que je ne puisse plus le contenir,.... me contenir. Pour en revenir à ce que vous disiez là tantôt, "déchirer une page".... encore faudrait-il réussir à vaincre un Démon. J'ai bien essayé, mais ce genre de bestiole est coriace.... Tout ce que je peux faire, c'est faire en sorte qu'il reste endormi, et de contrôler au mieux les moments où il se réveille.

Au coin de ses lèvres se dessine un petit sourire perçant, si tant est que le terme convient, alors qu'il ramène son regard dans celui de Kay.

- Mais chez vous, je sens une différence. Je dirais que vous vivez mêlée au vôtre. Qu'il se promène dans vos pas, chaque jour de votre existence, alors qu'en ce qui me concerne, j'essaye de croiser sa route le moins possible.

Il reprend une gorgée de vin avant de tendre la gourde à Kay, puis reste un moment silencieux.

- Je sais pas si l'image convient, mais j'avoue que je n'en vois pas d'autre....

L’espace d’un instant … la petite sorcière à la sensation de se sentir lier, comme en symbiose avec Gorborenne, ho bien sur leurs souffrances ne parviennent pas des mêmes circonstances mais leurs douleurs … sont bien égales …
Elle se sent d’autant plus proche de lui en ce moment que c’est pratiquement la première fois, qu’elle se retrouve face à une personne comprenant ce qu’elle peut ressentir … mis à part Ethan bien entendu mais lui était son autre, son reflet …
Les mots du Géant firent sourire et puis rire doucement la jeune femme … oui décidément, il avait tout compris …

Oui … chacun de nous portent en lui ce fardeau, tout comme l’on porte aussi parfois cela sur notre propre chair … n’est pas Gorborenne ?

Elle avait dit cela en évoquant les traces que cachait la peau du Chauve, tout comme elle évoquait la marque qu’elle portait elle-même aux creux des reins et la toute petite cicatrice dans son cou, si près de sa jugulaire … machinalement elle y porta les doigts, la caressant du bout délicatement alors que son regard semblait s’éloigner …

Je me suis contenue tellement de temps qu’aujourd’hui … non, je ne le veux plus … je suis ce que je suis et même si cela déplaît à beaucoup de monde, je m’en moque … cela fait partie de moi, je ne me bat plus contre, en fait ….

Elle passa doucement la main dans ses longues boucles brunes, s’humecta les lèvres du bout de la langue avant de terminer sa phrase …

Cela est devenu ma force, mon unique raison de continuer à exister …

Sans doute allait-il la prendre pour une folle, mais après tout elle l’était non ? … Elle repose son regard dans le sien tout en prenant la gourde tendue du bout des doigts, effleurant ceux du Chauve alors qu‘elle esquisse un sourire avant de la porter à ses lèvres … une gorgée est avalée avant qu’elle ne la lui tende à son tour …

Merci … et … l’image est parfaite …

La Fleur Noire détourne le regard un bref instant et le pose sur le plat en écorce posé de l’autre côté d’elle … elle n’a pas mangé grand-chose en fin de compte et pourtant cela était vraiment succulent … d’une main agile elle prend le plat et tout en venant reporter ses prunelles sur le Géant, elle pose sur le plat sur les genoux de ce dernier … voix douce, chaude, un brin rauque …

Vous devriez manger …

Saisissant le plat d'une main et le coutelas posé dessus de l'autre, Gorborenne se met à picorer distraitement la viande à la pointe du couteau, tout en laissant son regard se perdre dans l'obscurité qui règne autour d'eux, couverture impalpable dévorant la lueur du feu, ne rendant en retour que les craquements nocturnes de la forêt. Les dernières paroles de Kay flottent encore dans l'air, ou plutôt, sous son crâne....

Lentement, l'idée fait son chemin dans sa pensée. Ne plus chercher à vaincre, mais plutôt à dompter.... Plongé un instant au fond de lui-même, le Chauve réfléchit à ce qu'il pourrait advenir s'il envisageait sa relation avec son Obscur Compagnon sous cet angle inédit. Dans l'ombre de ses souvenirs, il sent se dessiner un sourire sur le visage de son Démon, comme s'il lui disait "vas-y, ose seulement baisser ta garde".....

- Je ne suis pas sur que je pourrais vivre ainsi..... En fait, c'est un risque que je me refuse à courir..... Je ne peux me risquer d'oublier l'héritage auquel il est lié en lui laissant toute latitude.....

Il range son couteau au fourreau après en avoir soigneusement léché toute la sauce, puis se gratte de nouveau un peu le dos...

- Mais vos propos me font voir mon reflet ombrageux d'un œil neuf. Je crois pas que ça soit là une façon de vivre qui me convienne, mais c'est une piste à découvrir.

Reposant le plat d'écorce à côté de lui sur le tronc d'arbre, il se tourne vers Kay, souriant légèrement.

- Vous savez, je ne me suis jamais leurré sur sa présence, mais peut être est il temps pour moi d'apprendre à l'accepter....

Son sourire se fait légèrement ironique, même un peu cynique sur les bords.

- N'empêche, à pactiser avec nos démons, beaucoup nous enverraient au feu sans procès...... Nés dans un brasier, morts sur un bûcher..... c'est d'une logique implacable.....

J’ai longtemps chercher à dompter cette part de moi, cela est totalement inutile … un démon ne se dompte pas, nous devons le tolérer, apprendre à cohabiter avec lui ou alors … le laisser partager notre existence comme je le fais, nous avons tous notre façon de faire ou de voir les choses et ce qui convient à une personne ne convient pas forcément à une autre … et puis on a beau vouloir se battre et se dire qu’on sera plus fort … on ne fait que se leurrer, il se rappelle toujours à nous d’une manière ou d’une autre …

Ho que oui et elle savait de quoi elle parlait … et c’était toujours quand elle s’y attendait le moins en plus ! … dorénavant cela n’a plus d’importance, elle a apprit à composer avec son démon … son côté sombre … sa malédiction … Elle rendit son sourit au Géant et eu un geste las de la main …

Et bien que l’on me mette au bûcher, au moins je ne mourais pas de froid !

Mourir, on le devait, un jour ou l’autre et pour la petite sorcière, le plus tôt serait le mieux … elle garda néanmoins son sourire … balayant ses boucles de la main, elle posa ensuite celle-ci entre elle et Gorborenne pour prendre appui et tenter de se lever, elle avait envie de rejoindre le feu … elle parvint à se redresser, sautillant sur un pied alors qu’elle retira sa main du tronc … erreur fatale ! … si on était fait pour vivre sur un pied cela se saurait !!! … chancelant sur son unique appui, elle tenta de venir reposer la main sur le tronc, elle n’avait aucune envie de se retrouver encore une fois les fesses au sol ! … elle tituba, laissant échapper un juron d’entre ses lèvres avant de tanguer dangereusement vers le Chauve … les doigts de la belle s’accrochèrent alors à l’épaule de ce dernier tandis que son arrière train trouvait en ces genoux un terrain moins dur que le sol pour choir …

L’air bête la belle ? Hum … en aucun cas !
Du moins elle s’en fou … elle l’a pas fait exprès après tout ! … Oui bon la position n’est pas des plus désagréable c’est vrai, ça aurait pu être pire non ? Puis … bon bein quitte à y être … Posant son regard dans celui de Gorborenne, elle esquisse un sourire … glissant son autre main sur la nuque de celui-ci … se mordillant légèrement la lèvre … petite moue mi espiègle, mi malicieuse …

Désolée … j’avais un peu froid …

Excuses complètement ridicule d’accord mais vraie !

C'est bien vrai, toujours il revient. Jamais en dix ans le Chauve n'a eu l'impression de ne plus ressentir sa présence. Mais alors que l'acceptation mêlée de désinvolture qu'il sent chez Kay lui arrache un sourire, il se laisse un instant distraire par le jeu de ses doigts entre ses boucles. Du regard, il suit le mouvement de sa main et ne comprend son intention qu'alors que la Belle déjà se relève...... Mauvaise idée..... Pourtant, il éclate presque de rire en la voyant gesticuler maladroitement, mais la surprise de la sentir atterrir sur ses genoux lui cloue le bec d'un coup. Enfin, plutôt le contraire vu qu'il reste une seconde la bouche ouverte, le menton pendant et les yeux presque hagards fixés droits devants lui.

- Non mais....

De nouveau interrompu, cette fois par un frisson qui lui parcourt l'échine quand la main de Kay vient se poser sur sa nuque. Douce..... mais glacée.
Il est vrai qu'en cette période la température tombe assez bas, et venant de contrées bien plus froides, le Chauve en oublie parfois que les autres sont plus sensibles que lui à l'humeur hivernale.

Pourtant, il apprécie la caresse, longtemps qu'une main ne s'était plus posé là. Souriant, il ferme les yeux, profitant de l'instant, mais très vite son front se plisse.... Sous ses paupières fermées, ses yeux rougeoient un moment alors que son Démon s'agite.

- Laisse moi sortir! Elle me plaît celle-là!

- Hors de question je te laisse les rênes, je sais très bien ce qui te passe par la tête, je te rappelle que c'est la mienne aussi....

Petit mouvement de tête avant de rouvrir les yeux où le rubis reprend sa place, dissimulé derrière l'émeraude. Si près de son visage qu'il peut sentir la chaleur de son souffle, il sourit à la moue et l'excuse de la Belle.

- Votre premier choix était plus avisé: le feu, s'il brûle réchauffe quand même, alors que l'homme, s'il vous embrase, finit par vous consumer.....

Riant de bon cœur, il passe un bras sous les jambes de Kay et l'autre autour de sa taille et la soulève en même temps qu'il se redresse et s'approche du feu. Sans la lâcher, il plie les genoux pour s'assoir en tailleur dans les feuilles mortes à proximité de la source de chaleur, la Belle posée sur ses jambes.

- Enfin, quand on a les deux à disposition, on peut choisir de ne prendre que le meilleur de chaque......... ou le pire.....

Elle l’a sentit ! L’espace d’un instant la petite sorcière a sentit que le démon de Géant était là, à fleur de peau, près de surgir … à rugir … un long frisson a parcourut la belle tout le long de l’échine jusqu’au moment où Gorborenne a repris le dessus … *Laisses le sortir! Je veux le connaître !* … Mais non … le Chauve retenait en lui cette part qui attirait inexorablement la brune … petite voix, comme un souffle qui s’échappe, rauque et chaud …

Etre consumée … un vrai délice …

Mais déjà, il glisse une main sous les genoux de la jeune femme, autour de sa taille … elle … ressert l’étreinte de ses bras autour de la nuque puissante … elle est assez surprise qu’il ne la pose pas là puis recule … surprise parce qu’elle sait qu’il a sentit son démon vouloir d’elle … ainsi donc il se pense fort assez pour le contenir … il s’assied en tailleur et garde la belle sur ses jambes … erreur ? Mmmhhh … il y a de fortes chances, car si lui se contrôle, elle non …

Prunelles qui se plongent dans celles du Géant … sourire malicieux et en même temps qui semble chercher à atteindre le double maléfique qui sommeille dans l’homme … les doigts agiles de la brune glissent sur la nuque de Gorborenne … descendent lentement sur ses épaules … son torse … paumes qui s’y posent et mouvement brusque quand elle le pousse vers l’arrière … petit rire quand la Fleur Noire enjambe la taille du Chauve et pose ses genoux de chaque côtés de lui … le dominant, le toisant, le narguant …

Le pire …

Etincelles dans le regard, elle se penche très lentement sur lui … le souffle chaud de la belle venant effleurer le cou de Gorborenne …

J’aime le pire …

Le bout de la langue de la petite sorcière vient frôler la jugulaire avant de revenir vers sa joue … ses lèvres dont elle dessine le contour … petit grognement … la soif commençant à prendre le dessus sur elle … elle tressaille … son souffle se suspend l’espace d’une seconde et puis … elle happe la lèvre inférieure du Chauve entre les siennes … la suçote et … nouveau tressaillement de la belle, son corps se tendant … alors elle mord violement la lèvre du Géant … explosion des sens … sang qui perle et qu’elle aspire … carmin divin qui vient caresser sa langue, son palais … elle aspire, encore et encore, ses lèvres se pressant contre les siennes …

[La Destruction]

Sans cesse à mes côtés s'agite le Démon;
Il nage autour de moi comme un air impalpable;
Je l'avale et le sens qui brûle mon poumon
Et l'emplit d'un désir éternel et coupable.

Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'Art,
La forme de la plus séduisante des femmes,
Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes.

Il me conduit ainsi, loin du regard de Dieu,
Haletant et brisé de fatigue, au milieu
Des plaines de l'Ennui, profondes et désertes,

Et jette dans mes yeux pleins de confusion
Des vêtements souillés, des blessures ouvertes,
Et l'appareil sanglant de la Destruction!

[Charles Baudelaire - les Fleurs du Mal]

Une caresse, un frisson, un regard qui résonne comme un appel, autour duquel tout se dissout et disparait, ne laissant qu'un éclat ardent au fond des yeux. Ces yeux à lui s'embrasent, on pourrait y voir la forêt combattre les flammes. Il a commis un erreur, il le sent, son Démon tire sur ses chaînes et n'est pas loin de les rompre, il remonte sa garde comme il peut, ferme les yeux et tente de chasser au loin le feu qui s'agite en lui. Mais le feu! Son souvenir glisse sur sa nuque dans un souffle chaud, il sent ses flammes brûlantes qui se rappellent à lui dans son dos.......

Le brasier peu à peu l'emporte, comme à Ragnarök, autre fois, au crépuscule de son passé dont les images dansent derrière ses paupières closes. Il sent autour de ses lèvres le cercle que dessine Heimdall et Loki qui s'entretuent..... Et la gueule du Loup Fenrir blessant à mort le grand Odin, son sang qui s'écoule..... Freyr souffre de voir tomber ses frères, mais son cœur se resserre, car déjà se dresse à l'horizon l'esprit flamboyant qui signera son destin d'un trait ardent...

[...]

Gémit et s’agite le frêne cosmique ;
Surt se libère, brûleur des neuf terres.
Les morts ont peur du temps maléfique
L’axe mourra que les flammes incinèrent.

[...]

Surt avance avec l’ennemi des bois,
le soleil que les armes reflètent ;
les falaises s’effondrent et se noient ;
le ciel tombe sur une mer de squelettes.

Frigg fera le deuil une deuxième fois :
Freyr, brillant, tente d’éteindre la torche
et Odin réserve le loup pour soi
mais l’élection l’égorge et l’écorche.

[...]

[extrait de la Völuspá, texte relatant le Ragnarök]

Surt hurle de joie au milieu des flammes
Face à lui se meurt jusqu'au nom de Freyr
Son sang s'écoule en même temps que son âme
La Forêt qui vit sur la Montagne ne peut refleurir

- Ra-ha-ha, il faiblit!

La morsure du Loup est fatale, s'écoule lentement le fluide vitale, comme la fleur à l'automne perd ses pétales........

Gorborenne de ce qu'il reste de force à son esprit lutte comme il peut contre le feu ravageur, mais dans son dos, la cicatrice le brûle comme au jour qui l'a vu naître, et déjà un bras qui cède au Démon,... Je le lève et pose une main ferme dans sons dos, remontant entre ses cheveux jusqu'à sa nuque, refermant mes doigts puissants à la racine de ses boucles......
Peu à peu, sa volonté s'affaiblit, mais il résiste encore, sous ses paupières toujours closes, l'émeraude trône encore,....... Mais il n'y a plus que là! Déjà les lèvres sont miennes, Ah, ce baiser, cette morsure, à vous réveiller le diable en n'importe quel homme...... Mmmmm, et ce sang, hum, le nôtre, c'est au sien que je veux goûter!

- Non, arrête ça tout de suite!!!!

- Laisse-moi toi!

Ah, la paix, ..... non, pas la paix, la liberté! J'ouvre mes yeux rubis sur la Belle en la tirant vivement en arrière des doigts qui lui empoignent la nuque. Je la regarde, la dévore du feu qui jette ses flammes dans mes pupilles...... Si belle, si ardente...... Son sang...... mon tour..... Je l'attire à moi brusquement, referment mes canines sur la commissure d'une de ses lèvres, l'embrassant avec une rage démoniaque - étonnant? - aspirant le pourpre de son essence au flux que la morsure laisse s'écouler......

Brasier ardent
Deux âmes consumées
Deux démons assoiffés
Baiser sanglant

Se mêle le carmin
La couleur est la même
Comme ce que le feu sème
Avant la cendre au matin

Un gout d'Enfer et de Paradis
Coulant de la source de vie....

Un délice dont je ne me lasse pas. Et en Elle, je le sens, mon reflet infernal! Je me redresse et la bascule dans les feuilles devant moi, en y enfonçant lourdement mes mains, encadrant son visage, la surplombant de mes épaules. Mes yeux brillant de ce feu qui m'a vu naître se plongent dans les siens et je laisse un large sourire s'étendre lentement d'une joue à l'autre, révélant comme des crocs encore rougis par son sang.

Petite sœur du Brasier
Succube en Majesté
Ne sais tu pas qu'il est dangereux
Que de jouer avec le feu?

Dans la nuit, un hurlement résonne, un grognement bestial mêlé d'un rire infernal lourdement tonne, les bêtes qui l'entendent apeurées s'enfuient, qui ne se serait sauvé devant un tel cri?

Au grognement bestial se mêle celui de la petite sorcière … enfin il est là ! … long frisson qui lui remonte tout le long de l’échine … un fin sourire étire les lèvres de la belle … elle le sentait tellement en lui et le voir … ho bon dieu que cela fait du bien de SE voir !!! …

Ni les doigts puissants qui lui empoignent la nuque, ni la morsure sur ses lèvres ne lui font mal … ho dieu non aucun mal … ce serait plutôt comme si il la reconnaissait, qu’il la voyait pour ce qu’elle est, qu’enfin elle était libre d’agir … le brasier qui la contemple alors qu’il la basculé dans les feuilles est d’un telle beauté, on dirait des flammes purificatrices … salvatrices …
Il la surplombe, petite grimace de la Fleur Noire, elle déteste se sentir soumise ! … mouvement rapide et agile de ses hanches quand elle vient lui enserrer la taille de ses cuisses, plus aucune douleur dans sa cheville en cet instant, d’ailleurs … la douleur n’est rien … petit rictus … alors elle bascule à son tour, rapidement, ses cuisses se resserrant pour l’emporter avec elle … elle finit par se retrouver sur lui … oui voilà c’est exactement ce qu’elle voulait !

Un genou de chaque côté de lui … assise sur le bas ventre du Géant, elle plonge son regard dans le brasier …

Brûles moi de tes flammes
Détruis cette femme
Succube je suis
Fais la naître cette nuit

Tout en parlant la main de la belle s’est glissée dans la manche de sa robe … non pas pour y prendre sa dague mais pour y saisir sa bague … jamais elle ne quitte ce bijou, bague d’argent enveloppant tout l’index de la belle et se terminant en griffe … les mains de la brune déchire plus qu’elles ne délacent la chemise de Gorborenne … le souffle de Kay se suspend l’espace d’une seconde quand elle pose la pointe de cette griffe sur la peau chaude, geste vif quand elle l’entaille du sternum au nombril … perle de sang qu’elle vient cueillir sur le ventre du Chauve … du bout de la langue elle suit la blessure … frissonnant, tressaillant … bon sang c’est divin ! … chaleur naissante dans son bas ventre … souffle se faisant court quand elle se penche plus encore sur lui et que d’une voix cassée et bouillante elle lui susurre à l’oreille …

Montres moi ce que tu vaux
Enveloppes moi dans ton brasier !

Alors elle se redresse, replongeant ses prunelles dans ces rubis … elle est calme, trop calme, le démon qu’elle est, est comme en apnée, ne demandant qu’à émerger au plus vite … elle teste, toise du regard … ne cherchant que le mal qui s’est dévoilé à elle …

Les pattes du fauve se referme sur sa proie et la fait rouler sur le côté. C'est qu'elle a de l'énergie à revendre la Belle. L'emprise de ses jambes autour de ma taille ne m'a pas surpris, je m'y attendais du moment où je l'ai basculée, mais la force qu'elle y a mise me coupe le souffle un instant.

Une grande inspiration, les feuilles qui jonchent le sol rafraichissent la brûlure qui s'agite dans mon dos. Mais pas longtemps, déjà le feu se propage dans tout mon être, attisé par son regard.

Un éclat d'argent rougi par les flammes...... une griffe, une lacération, sensation du métal froid pénétrant la chair, répandant comme un frisonne glacial dans tous mes muscles. Puis la chaleur à nouveau se diffuse, remontant le parcours qu'elle vient d'entailler, mmmm, une pointe de douceur mêlée à la douleur, la brise fraîche venant attiser le brasier qui s'empare de moi......

Et un murmure, ardent comme le vent chargé de braises, puis un regard....... Mais pas celui que j'attends! Au fond de ses yeux, de la retenue? Oui, je le sens, un voile encore demeure... Ah elle joue à ça! Bras qui se tend, doigts qui se referment.....
sur la gorge cette fois, tels une serre faisant barrière au sang et à l'air..... Tirant presque sur ma prise, je me redresse jusqu'à venir coller mon visage au sien, le brasier de mes pupilles assez proche pour s'enflammer dans les siennes...... Murmure qui gronde d'outre tombe.....

- Et bien si tu retiens ta respiration, voyons dans combien de temps tu manqueras d'air.

À la lueur du feu, je souris devant son visage qui gonfle peu à peu, rougissant du sang qui ne peux plus refluer, mais l'étau ne se desserre pas pour autant. Mes dents viennent chercher le bout de sa lèvre ou goutte toujours le pourpre et je m'en délecte....

- Allez, essaye donc de respirer sans la réveiller,........ ce n'est que de l'infernal que tu tireras le souffle vital......

[Rp] Une arrivée moins conventionnelle ... - Page 2 091113070417758094852804

Un bras qui se tend … le souffle de la petite sorcière est en suspend … il se redresse et son visage se colle au sien … la belle a beau entrouvrir les lèvres, l’air ne veut plus passer … la poigne autour de sa gorge est telle un étau … en apnée de la vie, elle pose son regard dans le sien …

Prunelles vides de toute envie de se débattre, pourquoi chercher à retrouver ce souffle alors qu’elle n’aspire qu’à cela … en être délivrée … Bien que machinalement, elle tente de happer un peu d’air, alors que la tête commence à lui tourner et que son visage doit certainement être de plus en plus rouge, un fin sourire se dessine sur les lèvres de la brune …

Bien sûr elle ne peut lui répondre, ce qui dans un sens est plutôt dommage car si il espère faire sortir le démon qui est en elle de cette manière … il a tout faux ! … ce n’est pas la peur de la mort qui pourrait faire cela puisque … elle n’en a pas le moins du monde peur, n’a-t-il donc pas encore compris cela ? … N’a-t-il donc pas compris que tout pour la Fleur Noire n’est que jeu … morbide ou pas … même celui-ci l’est … ho bien sur destiné à faire le mal mais un jeu tout de même … et malgré l’air manquant, elle s’en délecte …

La main de la brune se lève très lentement, le manque d’air certainement, et le doigt muni de la griffe vient se poser sur sa propre gorge … juste en dessous de la poigne de fer qui la maintient … alors elle glisse sur la peau chaude de Kay … jusque la naissance de sa poitrine … fine traînée carmine qui se dessine alors que son regard étincelle à nouveau … son autre main, elle s’est immiscée dans la chemise entrouverte et vient effleurer de ses doigts le flanc du Géant … jouant agilement sur la cicatrice horizontale qui lui barre l’épiderme … souvenir de guerre ? En fait la belle n’en à cure … Elle tressaille … passe le bout de sa langue entre ses lèvres … combien de temps encore avant d’expirer ? Qu’au moins cela soit agréable … Alors qu’un voile noir commence à lui brouiller la vue, ses cuisses se contractent légèrement alors que son bassin se colle à celui de Gorborenne … chaleur au creux de son bas ventre … désir … envie …

Dans ses yeux, la conscience s'efface peu à peu et ne s'allume aucun feu. La Sorcière à une Volonté de fer, maintenant le Démon dans ses fers alors que je le tiens dans ma serre. Un désir de Mort, si fort, la sienne, plus que sa haine, empêche qu'elle vienne. Ses cuisses qui se resserrent, autour de mes flancs ou s'enflamme l'enfer. Où le Paradis? Va savoir ce qu'un Démon chérit....

- Tu es forte petite Morigane, plus que le Démon qui te damne....
Plus pure que ta colère est ta douleur, ta haine semble si faible face au pleurs qui pleuvent sur ton cœur.....

Mes sourcils qui se froncent.....

En réalité, ça me perturbe....... Rien dans son regard, même pas la moindre petite étincelle...... J'ai l'impression de voir son Démon enchaîné au fond de ses pupilles, mais tellement entravé qu'il ne peut faire le moindre mouvement..... Jamais l'autre n'a pu avoir une telle emprise sur moi...... J'aime pas ça...... Si Gorborenne un jour y arrive aussi...... j'aime vraiment pas ça...... L'alliance de nos deux esprits? Si cette voie je choisis, il sera plus fort, mais moi... affaiblit?.......

Sa main sur mon flanc..... frisson qui s'étend, ballet bientôt macabre vers mon échine qui se cabre. Mes yeux se lèvent vers les frondaisons, une grande inspiration emplit mes poumons..... L'air nocturne glisse dans mon sang.... glacial.... Je referme l'urne, d'un claquement de dents.... brutal....

Les yeux clos un moment, je plonge dans mes souvenirs. Ma naissance, il y a si longtemps, je me souviens de courir. En ces temps, nous étions qu'un, avant que le feu nous sépare en un seul sein. Le dos marqué au plus profond de la chair, un simple avant gout de l'Enfer. Il a gardé le désespoir, moi la colère, il est le brouillard, moi le tonnerre. Les brumes.... la fumée, la chaleur, suffoquer, tousser, crier, hurler, comme un nouveau né, enfant du brasier. Cri ardent d'une forêt qui s'en va en brûlant. Volutes sombres qui l'histoire emportent, d'un peuple sur lequel se referme la porte. Tant de siècles de vies, renvoyées en une lune dans l'oubli. De la Verte Borée que rien ne pût défendre ne reste aujourd'hui que les Terres de Cendres.......

Ah mais ça! C'est lui! Je le sens, il s'agite, il essaye de reprendre le contrôle. Cette fille est comme le feu, à son contact nos esprits se frôlent.... Mais il n'y arrivera pas, c'est moi qui la tiens au bout de mes doigts..... Mais il a peut être bien raison dans le fond, ces souvenirs que nous partageons, qui l'ont détruit, qui m'ont construit. Pour elle, le baiser du brasier, Une lune entière d'enfer sur terre partagée en un instant de chair.... Glissant le long de sa joue, un murmure dans l'air...

- Puisque tu ne veux embraser le feu qui est tiens, goûte donc au mien......

En mon sein s'embrase l'Éther, et de ces jours qui m'ont vu naître se drape l'air. Doucement, mes doigts se desserrent alors que mes lèvres se collent aux siennes, comme un courant d'air qui entre par la persienne, mon souffle ardent s'infiltre en elle. Un mois de souffrance en un instant, cadeau pour la Belle.......

- Je ne veux pas que tu meures, je veux que tu souffre.... Moi, je ne tue pas, je ne fais que montrer le fond du gouffre......

Un large sourire alors que mes lèvres je retire. Ma main quitte son cou pour descendre à doigts de loup, chercher du bout de la griffe une goutte de sang, la poser sur ma langue, mmm, ce scintillement!

Alors que le néant l’enveloppe de plus en plus, la belle ne cherche même pas le moindre souffle d’air, attendant … non … espérant la délivrance enfin … délivrance de cette enveloppe charnelle qu’elle méprise du plus profond de son âme … n’a-t-il donc pas encore compris que le Démon qu’il cherche en elle est déjà là ! Qu’elle n’a pas à lutter pour le contenir en elle … qu’il a libre court sur sa vie …

Un fin rictus se dessine sur ses lèvres …
Celles-ci virent au mauve, elle peut le sentir mais elle n’en a cure … quand le Démon de Gorbo va-t-il enfin mettre fin à ce calvaire qu’est son existence de petite sorcière ??? Ne l’a-t-elle pas défié assez ? Ne l’a-t-elle pas tenté assez ? Lui en faut-il donc plus ? Pourtant il est bien présent, elle sent de moins en moins Orion se battre en lui … pourquoi refuse-t-il donc de s’unir ???? Elle ne le comprend pas, ou plutôt elle le comprend trop bien, il a encore cette peur en lui, cette peur ne de plus faire qu’un … comme avant …

Un baiser ardent, les mains qui se desserrent … un grognement s’échappe de la gorge de la Fleur Noire … ainsi encore une fois, elle a échoué ! … la mort n’est pas encore au rendez-vous … et pourtant à chaque fois elle espère, elle espère que les esprits abandonnent et la laisse mettre fin à cette agonie de la vie … espérance déçue … Les cuisses de la belle se serrent encore autour des flancs de braises du Démon, son bassin se tend, se cambre vers lui … les mains de Kay viennent prendre le visage de Gorbo entre ses paumes … cette langue ensanglantée … elle vient la happer entre ses lèvres … la sucer langoureusement … ses hanches ondulent lentement, attisant encore plus le feu contre elle …

Très lentement elle recule le visage, laissant l’encre de ses prunelles plonger au plus profond de celle du Démon … murmure d’une voix cassée par l’étranglement, chaude et froide tout à la fois …

Donnes moi ce que je désire et je ferais renaitre la forêt si chère à ton cœur …

Là elle sait qu’elle va toucher un point sensible … mais comme elle ne dit jamais rien pour rien, elle sait aussi que si il regarde au tréfonds d’elle, il saura qu’elle dit vrai … bien sur il y a un prix à payer quand on demande l’aide des esprits mais la jeune femme connait ce prix et l’accepte …

N’ais pas de crainte, je ne te vole pas ton fardeau, je ne veux même pas le partager … je veux juste le faire …

Orion va-t-il reprendre le dessus sur le Démon, elle ne le sait … quand comprendra-t-il que l’union fait la force et n’affaiblit aucun des deux ? Apprendre à cohabiter, à s’aider, à s’unir …

Je … peux t’y aider … je peux t’enseigner cela …

Les paroles de la petite sorcière peuvent paraître décousue ou dénuées de sens pour le néophyte mais … lui ne l’est pas … il est comme elle ….

Deux langues qui s'enroulent, se déroulent le temps d'un regard et quelques mots pour se noyer à nouveau dans le désir voguant sur le ruisselet de leur sangs qui se mêlent..... Brisées par le torrent de mille pensées, les barrières cèdent, laissant le flot de leurs esprits se rejoindre au confluent d'un baiser......

Deux âmes en conflit telles deux mains qui fouillent dans les feuilles, l'une fraîche comme la Feuille, l'autre brûlante comme la Flamme..... Sous les doigts, peu à peu se fait jour l'humus fertile et tiède, s'y enfoncent légèrement, y sentir battre l'être entier qui s'écoule au cœur de la terre, s'imprégner de son essence, ouvrir un regard...... Puis tout s'obscurcit autour d'eux..... Noyé dans celui de Kay, l'esprit de Gorborenne est face à lui même.....

[Sous les feuilles.......]

"Deux routes toujours deux fois se croisent"...... Vieux dicton du Petit Sentier.... Nous y sommes, à l'endroit où elles fusionnent leurs tracés pour cheminer ensemble quelques pas...... Au carrefour, un Arbre au feuillage sombre étend ses ramures par dessus la route, amenant une ombre rafraichissante sur un banc où deux hommes devisent, le temps d'une rencontre, sur le prochain horizon à suivre, la prochaine destination à prendre......

- Regarde ces branches au dessus de nous, elles semblent si calmes, imperturbables dans la brise qui nous entoure.

- Pfffff, tu es aveugle Orion, où alors tu fais semblant de ne pas voir ce que je suis, tu sais très bien que cet arbre, j'aurai plaisir à le brûler, comme les autres.

- Ne sais tu donc rien faire d'autre que détruire tout ce que tu touches?

- C'est toi que je veux détruire, tu le sais bien.....

Il se ressemblent comme deux frères, ce qu'ils sont un peu finalement, frères de conscience.....

- Arrête avec cette idée, Surt, tu sais aussi bien que moi qu'on ne peut vivre l'un sans l'autre....... Et crois moi, ça me navre autant que toi.......

Le premier est vêtu d'une large tunique de lin émeraude assortie à son regard étrangement calme. Celui du second flamboie au contraire de mille feux, et ses bras font virevolter la soie sombre de son habit alors que ses mains accompagnent ses gestes...........

- Cette idée? T'es mal placé pour parler de mauvaises idées. Pourquoi on est là hein? C'est toi qui as voulu pour une fois qu'on s'arrête et qu'on discute... Tu voudrais me convaincre de faire route ensemble, comme autrefois?

Orion ne répond pas tout de suite, son regard parcourt un moment les alentours avant de se poser sur une étendue d'herbe grasse à quelque distance de là.....

"Un *homme* jeune, bouche ouverte tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu
Dort, il est étendu dans l'herbe sous la nue
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut....."[1]

La main de la Feuille se tend montrant le Dormeur à la Flamme, qui écarquille les yeux en se tournant vers son voisin, voulant dire quelque chose, mais ce sont les mots d'Orion qui se font entendre en premier.

- On pourrait croire qu'il dort, qu'il nous suffirait d'aller le réveiller, mais nous savons tout deux qu'il est mort, le jour où tout chez nous à brûlé. Il ne reste plus qu'un souvenir dans ce corps, si je t'ai appelé, c'est peut être pour enfin l'enterrer.

- Ainsi c'est ça que tu attends de moi? Point de chemin à partager?

- Regarde nous...... Ni toi ni moi n'en avons le désir ni la force..... S'arrêter un moment à l'ombre d'un Arbre quand nos routes se croisent, ça me va, mais nous ne pouvons rester éternellement ici..... l'un près de l'autre......

- Là dessus au moins nous sommes d'accord.....

Surt se lève du banc un moment et s'approche de l'Arbre pour poser une main sur son tronc.... Il ferme les yeux un moment avant de se retourner vers Orion.....

- C'est vrai, à l'ombre de cet Arbre, j'ai moins envie de te casser la figure. Mais il y a une autre question que je me pose, qu'as-tu donc l'intention de faire avec ses fruits que je vois emplir ta besace?

La Feuille s'y attendait, il détourne un moment le regard, avant de se lever à son tour pour venir rejoindre la Flamme au pied du tronc tortueux et d'y poser la main, à côté de celle de son frère....

- Tu sens sous tes doigts l'écorce? Tu sens comme ses racines plongent partout dans la terre autour de nous pour se nourrir de son essence. Moi je perçois surtout la graine de vie de ses fruits. Leur saveur sucrée me rappelle chez nous, et je crois que les graines de vie qui y sont enfouies pourront faire renaître ce que nous avons perdu là bas....

Surt, un peu surpris, lance un regard haineux et embrasé sur Orion, qui le soutient, l'émeraude imperturbable au fond des yeux.

- Si tu fais ça, je te connais, un jour, tu voudras y retourner, et ça je ne te laisserai jamais faire! Jamais je ne cèderai une part de ma force pour une de ta souffrance, ne me fais pas rire!

- Y retourner? Je ne crois pas non, juste rétablir l'équilibre que nous avons rompu.....

- Mouais, ça te coutera cher tu sais... Regarde cet Arbre, si tu plantes ses fruits dans la cendre, la braise qui y couve toujours le marquera certainement profondément... Mais vas-y, fais le, traine ce remord de le marquer de notre feu pour ton espoir de le voir s'éteindre, moi je rigolerai de vous voir tous les deux encore plus durement marqués que vous ne l'êtes déjà....... Toi qui la connais mieux que moi, penses tu réellement la Terre où cet Arbre plonge ses racines le laissera répandre la vie sans contrepartie? Laisse le donc payer le prix de ton rêve....... et on ose dire que c'est moi le mauvais frère......

- Je sais très bien à quoi ça m'engage, et je suis prêt à l'assumer.....

[.....à la croisée des chemins]

La main du Chauve remonte lentement le long du dos de la Fleur Noire pour venir se poser sur sa nuque, les doigts s'enfonçant dans la naissance de ses longues boucles brunes. Ses yeux se rouvrent en même temps qu'il recule légèrement son visage pour contempler celui de la Belle.....

- Ce que tu désires? Mais le sais tu seulement toi-même? Je sens en toi l'Arbre qui appelle à l'incendie tout en voulant semer une vie qu'il puise de ses racines fermement ancrées dans la terre quand ses branches n'aspirent qu'à s'envoler dans le vent......

Un regard d'écorce entremêlant l'émeraude et le rubis se plonge dans celui de Kay, entrainant avec lui un fin sourire qui vient peu à peu se tisser sur les lèvres de Gorborenne..... Aucun mot n'est plus nécessaire à incarner les pensées qu'il laisse glisser le long de leurs esprits toujours entremêlés...... Non, jamais ils ne pourront s'unir..... La Flamme et la Feuille ne seront jamais l'écorce des ramures et des racines...... L'un et l'autre sont nés pour être portés par la brise légère..... L'Arbre au bord de la route...... Parfois ils y prennent le temps d'une trêve, son ombre bienfaisante calme un moment les cicatrices qui autrement les tiraillent l'un comme l'autre sous le soleil de la route..... Oui, il pourraient devenir Arbre, eux aussi, bien sûr, ils en seraient plus forts que Feuille ou Flamme..... Ce choix leur appartient, mais ni l'un ni l'autre n'est prêt à renoncer à la liberté du vent qui souffle et les emportent ça et là au gré de l'existence.....

Mais la brise se calme un moment, et l'ombre des bras de la Belle l'attire..... Un peu de répit dans un élan..... Le Chauve referme ses grands bras autour d'elle en se laissant choir en arrière dans les feuilles qui tapissent le sol de la forêt, laissant s'échapper un murmure entre ses lèvres qui explorent cette joue de pêche qui s'offre à lui.....

- je te fais confiance......

[1] Extrait du "Dormeur du Val" d'Arthur Rimbaud, *soldat* pour *homme* dans le texte original]

(suite du rp dans la tanière de ma miss)

» Arrivée
» Arrivée de Sadnezz
» Arrivée d'Umondel
» Arrivée de la Veuve Noire...
» [RP] Arrivée et prise de fonctions.