Arrivée d'un convoi atypique

Je suis... désolée, je crains de tout salir.

Elle regarda à ses pieds où une petite mare s'était formée.
Théo qui avait suivi son regard, blémit.

Macricri acquiesce d'un hochement de la tête. Je crois que notre enfant s'est décidé.

Elle est étonnée de ne pas ressentir de douleur, juste cette étrange sensation et l'écoulement du liquide à chaque mouvement. La joie, l'excitation de savoir qu'elle aurait bientôt le bébé dans ses bras et la peur de l'accouchement se mêlent en un sentiment particulier. Les yeux brillants, elle s'apprête à descendre.

Yäkël avait cru entendre un convoi arriver. Ceux-ci étaient plutôt rares, elle sortit donc des écuries et alla voir ce qui se passait dans la cour.

C'est sûrement la comtesse, se dit-elle.

Elle épousseta rapidement ses vêtements, recoiffa vaguement ses cheveux et entra dans la cour. Un coche y était garé, mais ce n'est pas cela qui retint son attention. En haut des marches qui conduisaient au chateau, une femme au ventre arrondi était pliée en deux, crispée.

C'est la comtesse ! Elle va... elle va accoucher !

Son amour arrivait au même moment. Elle lui sourit et s'élança vers la comtesse. Elle grimpa les marches quatre à quatre et vint aider Grulus à soutenir la jeune femme, dont la crise était passée.

Tenez encore un moment, le temps d'arriver jusqu'à votre chambre... Il ne faudrait pas que le bébé naisse ici ! lui dit-elle doucement.

Elle regarda Grulus, attendant qu'il lui montre le chemin.

Grulus commencait à s'affoler, quand il vit Sinus et Yakel accourir en sa direction, il dit :

Je la conduit dans sa chambre messire le Baron.Puis il se tourna vers Yakel et Sinus

Aidez moi à la conduire jusqu'à la chambre, s'il vous plait, ca presse là !

Ensuite il dit à la comtesse :

Venez, suivez nous ! vite, c'est par là

La contraction passée, Macricri se redressa, soulagée. Elle savait que cela n'allait pas durer, une prochaine surviendrait, puis une autre...jusqu'à la naissance du bébé.
Un sentiment contradictoire l'envahit quand elle vit Théo partir chercher la sage-femme. Au soulagement de savoir qu'il allait la confier à une personne compétente se mêlait une certaine forme de détresse à se savoir seule dans un moment pareil dans un lieu et avec des gens inconnus.
Elle fit un pauvre sourire à la jeune femme qui vint l'aider et s'adressant à l'intendant :

Grulus, c'est bien ça ? Menez-nous jusqu'à la chambre et si vous pouviez voir pour le bain.

Elle se tourna vers celui qui devait être le forgeron vu sa tenue : vous pouvez vous occuper des bagages ?

Elle détalla la tenue de la jeune femme, ce qui ne l'aida pas beaucoup, sauf les bottes crottées avec de la paille collée dessus.
S'adressant à elle : accompagnez moi s'il vous plait avant qu'une nouvelle contraction ne me cloue sur place. J'ignore si le comte a une femme de chambre, peut être pourriez-vous m'aider, et me tenir compagnie en attendant qu'il revienne.

"tu n'as pas à discuter" "Ne vous en faites pas des ordres donnés par la Comtesse."

Ces mots raisonnèrent encore à ses oreilles et en plus il n'avait pas pensé au bain !

Elle le fustigea du regard, et allait lui répondre vertement quand elle dut se plier en deux sous la violence d'une contraction, la plus forte qu'elle ait eu jusqu'ici. Elle lui prit la main pour avoir un soutien car elle avait les jambes flageolantes.
Reprenant son souffle, elle fit un sourire qui se voulait rassurant à Théo et prit appui contre son épaule et ils montèrent lentement l'escalier.

Et le bain ? Tu l'as oublié et j'y tiens vraiment.

Elle s'en remettait à lui et espérait arriver dans la chambre avant la contraction suivante.

Et hop Lluna arriva devant ce vieux chateau qu'elle ne connaissait point encore, même point les terres ... Elle se savait à la bourre, mais c'était presque une habitude chez elle ... Puis de la faute au pigeon, d'abord, quelle idée d'attendre qu'elle passe à Poligny, comme si un pigeon ça ne savait pas voler, tsss. Bref, elle arrivait toute précipitée, à se demander où se présenter, à qui, si elle était attendue, si, et c'est pour dire, si on lui avait bien indiqué le chemin. Le fermier qu'elle avait croisé sentait tellement les effluves de mirabelle qu'il avait vraiment du mal à s'exprimer ... Allez toujours tout droit, gente dame, qu'il avait dit. Qu'elle avait compris. Donc tout droit, à traverser des lieux inconnus et elle finit par arriver. Pas un brin de violette dans le coin, ça aurait pu l'aider, comme indice, mais même pô ...
Elle se fit toute discrète dès l'entrée, et d'un pas toujours aussi précipitée, toutefois, qu'elle continuait jusqu'à se trouver face à face avec un nouvel inconnu ...

Bien le bonjour ... Fit-elle avec un sourire mal à l'aise aux premiers abords, puis zut, c'est sa filleule qu'est dans ce chateau, le ventre si gros qu'elle ne voit même plus ses doigts de pieds, et si ça se trouve qu'elle est en train de tous les faire courrir dans tous les sens, en plus. L'intuition d'une maraine, pour sûr.

M'sire, je suis venue tout droit de Franche Comté pour amener des tiges de violettes à une certaine dame de Tornova. Et elle se pencha. Ca calme les dames prêtes à accoucher, si, si.

Euh ... Elle aurait dû arriver en carosse, avec sa plus belle robe et tout et tout, quelques écuyers et des tas de coffres flamantes et neuves, et sa servante aussi, ça aurait été plus simple ... Mais elle a pas tout ça, c'est dommage, remarqua t'elle toute sourire. Et elle baissa les yeux vers ses chausses, toutes poussiéreuses de part la route. Le canasson, ce n'est pas toujours une bonne idée ... Et elle releva le regard, tout sérieuse d'un coup. Car il est des moments sérieux où faut pas rire de la situation.

Dame Lluna Adams de Mélincour, Comtesse de Montbéliard, Vicomtesse d'Amancey, Maraine de dame Macricri Adams de Mélincour Montereau, et donc aussi cousine du Baron Théognis Montereau Adams de Mélincour d'Arquian. Mais y'a pire que moi dans la famille, il a de la chance, encore.
Veuillez me présenter au Maître des lieux, et de toute urgence.

Elle se doutait de plus en plus qu'il fallait qu'elle se trouve au plus près de sa filleule. Vérification faite dans la besace, c'est bon, y'a quoi la boulasser s'il le faut. Oups, plus tard, ça, pour dans quelques jours seulement. Et si c'est une fille, ils l'appeleront comment ? Violette ? Et pourquoi le m'sire il est pas déjà à courir l'annoncer ? Non mais euhhhh, promis elle sera normale et sage et sérieuse comme elle est capable. Et elle commença alors à montrer son impatience, en tenant de moins en moins en place ...