Lettre d'Ardath et réponse (Mars 1457 ?)

Cher Baron,

Les routes sont enneigées et votre message est arrivé avec bien du retard, je crains que celui-ci ne fasse de même.
Je vous remercie cent fois de vous être occupé de la dépouille de cette chère Kerowynn. Puise-je vous demander encore un menu service ? Pourriez vous allumer une bougie à l'église pour elle de ma part ? Fleurissez aussi sa tombe quand je ne le puis pas si vous êtes présentement en cette bonne ville de Chalon.

Cinabre était ma filleule, si vous avez encore quelque place en Arquian pourriez vous l'y élever ? Je pense que votre fils doit encore avoir besoin d'une nourrice, il ne doit pas être bien âgé et vous même avez l'habitude des enfants.
Faites d'elle l'enfant que vous jugerez bon d'être.
J'aimerais qu'elle apprenne à lire, à écrire et qu'elle ait plus tard un métier. Si je meurs sans héritier assurez vous que mon argent et mes possessions lui reviennent, qu'elle puisse ainsi être en apprentissage et avoir une dot pour le jour où elle jugerait bon de se marier.

J'ai d'autres nouvelles, moins bonne moi aussi à vous faire parvenir.
Un chalonnais a prévenu Tamarin de l'endroit où je me rendais ? Mon nom fut placardé sur les villes de Labrit. Tybalt est parti avec lui, je crains qu'il ne se dirige vers Paris. Peut-être aurais-je du vous écouter et ne point prendre l'enfant sous mon aile. Pour ça que je vous confie Cinabre aussi, l'échec s'il a été cuisant n'a pas été dénué d'apprentissage.
Par contre, sachez que je n'ai pas terminé dans son lit. J'aurais au moins gagné ce pari là.

Je me trouve actuellement en Guyenne avec un procès sur le dos pour brigandage, si je ne le gagne pas c'est que la juge est une buse. Pas une Penthièvre, juste une sotte. Les preuves sensées m'accabler sont plus légères qu'un sac de plume et j'ai un témoignage m'innocentant. Je ne crains pas le jugement.
Dans le cas contraire et bien, je demanderai à ce bon Ryllas d'être mon avocat en Cour d'Appel.

Je sais que vous ne les portez pas vraiment dans votre coeur mais j'espère que la Bourgogne leur laissera une chance.
Le Poitou et l'Anjou les ont décrit mais on sait tous que nul ne peut être prophète en son pays.

J'espère de tout coeur qu'Audace aura toute la réussite qu'elle mérite et si ce n'est pas le cas c'est que les Bourguignons sont aussi bornés que les dirigeants qu'ils ont jusqu'alors élus.

Ardath




Chère Ardath,

Aujourd'hui est un jour bien sombre pour la Bourgogne, mais je veux garder un peu de cette obscurité pour m'échapper un peu de cette réalité. Aussi, j'allumerai demain un cierge pour notre Kerowynn.
J'étais heureux de te voir accompagné par quelques compagnons. J'imaginais naïvement en faire des amis, et je leur aurai appris ma vision de la Bourgogne dans les royaumes.
Je pensais encore hier envoyer Bazin et Mazarin auprès du Roy pour règler cette question de la dette royale. J'aurai bien ri!

Hélas, aujourd'hui, des cendres emplissent ma bouche, et je sens à peine la force de me battre. Tes amis ont tout raflé. Je ne sais comment, mais ils sont désormais en position de force au Conseil. Nous allons bien entendu nous révolter, et tout mettre en oeuvre pour renverser ce Conseil. Mais je sens que la Bourgogne, aux divisions déjà profondes, se déchirera encore plus.
Le duché de Bourgogne, auquel j'ai voué ma vie, n'est plus rien. Les bourguignons se détournent de nous. Ils ne croient même plus en la Bourgogne. Pour eux, c'est un duché comme un autre, puisqu'ils ont voté Renaissance.

Je ne pensais pas que ton arrivée en Bourgogne signifierait ma ruine. C'est pourtant bien le cas. Mon idéal s'est brisé contre les maîtres politiciens. Le Poitou et l'Anjou n'avaient pas menti. Ce sont des destructeurs. Un vent de tempête s'est levé en Bourgogne, et nul ne peut savoir quand il s'arrêtera de souffler.

Ce soir, je suis tenté par le départ. Je sais bien pourtant que je ne peux pas, que je dois me battre, car le duché est toute ma vie.

(La fin s'est perdue....)