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 En attendant l'épée, quelques histoires de Féérie....

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Gorborenne
Orion, le Chasseur de Démons
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Gorborenne


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MessageSujet: En attendant l'épée, quelques histoires de Féérie....   En attendant l'épée, quelques histoires de Féérie.... Icon_minitimeVen 18 Sep - 4:58

[une quinzaine après le "retour triomphal" de Champagne...]

Gorborenne se remettait peu à peu de ses blessures. Déjà, il arrivait à marcher, avec des béquilles, mais au moins, il n'était plus contraint de garder le lit. D'ailleurs, la douleur de ses plaies le réveillait souvent la nuit, et il était heureux de pouvoir venir les soulager avec quelques verres d'eau de vie, tout en feuilletant les vieux grimoires et manuscrits de la bibliothèque. Ce jour-là, la longue estafilade qui lui barrait le flanc le lançait particulièrement. Sachant qu'il ne trouverait pas le sommeil de si tôt, il s'était préparé une bonne pile de lecture sur la table basse. Tant bien que mal, il avait réussi à pousser un fauteuil près du feu et à jeter une nouvelle bûche dans celui-ci. Ces quelques gestes le laissèrent fourbu, mais il mesurait ainsi l'état de sa guérison. Il y en aurait encore pour un bon moment...

Il se cala confortablement dans le siège, se servit un petit verre d'eau de vie et prit un petit manuscrit dans la pile. Une petite histoire pas trop longue pour commencer se disait-il...



Citation :
Ys, la cité engloutie

En des temps fort reculés, régnait sur le royaume de Cornouailles le roi Gradlon-Meur (Gradlon le Grand). Dans sa jeunesse, il s'était surtout fait remarqué par ses nombreuses conquêtes guerrières, qui lui avaient valu gloire et puissance. Et c'est lors d'une guerre contre les pays nordiques qu'il rencontra une belle princesse scandinave, qui passait pour être un peu sorcière, mais qu'il résolut de prendre pour femme. Celle-ci lui offrit un cheval, nommé Morvac'h, d'un noir flamboyant et au regard de braise, qui n'avait pas son égal sur toute la Terre. Après avoir séjourné quelques temps dans le Nord, le roi décida de rejoindre son royaume de Cornouailles. Mais sa femme accoucha d'une petite fille durant le voyage, et en mourut. L'enfant née sur les eaux fut appelée Dahut, et elle devint fille de la mer, car celle-ci avait marqué son empreinte définitive sur elle.

De retour en Cornouailles, Gradlon entreprit un long deuil, et tout l'amour qu'il avait eu pour sa femme, il le prodigua à sa fille. Dans un même temps, il commença un règne pacificateur où il fut davantage occupé à répondre aux besoins de ses sujets. Sa rencontre avec un ermite dans une forêt le fit convertir au christianisme, et partout dans le pays s'élevèrent églises et cathédrales. A celle de Quimper, il nomma Saint Corentin, homme de bon conseil, qui l'assista dans son règne pieux. Il voyait dans l'évêque un modèle, en fait sa seule source d'inquiétude était que sa fille Dahut refusait tous les enseignements religieux. Aux discours des prêtres, elle préférait ceux de l'Océan, avec qui elle allait souvent dialoguer. Mais Gradlon aimait trop sa fille pour lui en tenir rigueur, ce que Corentin ne manquait pas de lui reprocher.

Le temps passant, Dahut devint une jeune femme incroyablement belle, mais chaque jour plus insouciante, provocante et orgueilleuse. Mais dans cette contrée devenue chrétienne, elle s'ennuyait terriblement et avait de plus en plus la religion en horreur. Un jour elle n'y tint plus, et elle demanda à son père qu'il lui construisît sa cité à elle, une cité où nul prêtre ne pourrait pénétrer et où seuls les plaisirs régneraient. Gradlon résista d'abord, puis il faiblit, et malgré les avertissements de Corentin, finit par céder. Il fit construire secrètement la cité, à l'emplacement même où Dahut avait l'habitude d'aller jouer quand elle était petite. Et un jour il emmena sa fille sur la grève de son enfance, et celle-ci découvrit éberluée une magnifique cité blanche, la plus belle qui pouvait se trouver de part le monde. Ainsi naquit la ville d'Ys, où Gradlon et Dahut s'établirent désormais.

Hélas, dans la cité les sept péchés capitaux régnaient en maître, tout n'était que débauche. Les commerçants s'enrichissaient honteusement en attaquant les navires marchands des autres nations. Corentin s'en arrachait les cheveux, et fit pression sur Gradlon pour qu'on y construisît au moins une cathédrale. Celui-ci s'exécuta malgré la colère et les reproches de sa fille... Mais las ! La plus grande cathédrale du royaume était aussi la plus désertée. Et ce malgré les efforts de Saint Gwénolé, qui à force de miracles ne parvint pourtant jamais à remplir la cathédrale plus d'une journée. Il avertit que la patience de Dieu était à bout, mais la population n'en avait cure. Il tenta de convaincre Gradlon d'agir, mais avec l'âge le roi était devenu bien faible.

Cependant la notoriété de la cité s'étendait désormais à tous les royaumes du continent, et chaque jour c'était nombre de princes et de représentants qui arrivaient pour rendre leurs hommages à la belle Dahut. Et celle-ci les recevait bien mieux qu'on ne se l'imagine... Elle organisait chaque soir de grands banquets, puis choisissait dans le lot un amant pour passer la nuit. Ses serviteurs lui remettaient un masque pour que l'élu ne soit pas reconnu quand il irait rejoindre la princesse. Or le masque était ensorcelé, et l'aube pointant, il étranglait le malheureux qui le portait. Alors un homme habillé en noir, aux ordres de Dahut, allait jeter le corps au fond du gouffre du Huelgoat, en offrande à la mer.

Or un soir, c'est un prince magnifique, grand, barbu, vêtu de rouge et à l'oeil de feu, qui prétendait arriver des extrémités de la Terre, qui arriva à la cour de la cité d'Ys. Il résista aux attaques de la princesse, et tel est pris qui croyait prendre, ce fut elle qui tomba irrémédiablement sous son charme. L'étranger eut dès lors une très grande influence sur elle, et il ne fut plus rien qu'elle ne fît sans son assentiment. Il était la perversité incarnée, en qui Dahut avait trouvé son maître. Et la situation dans Ys devint pire que jamais.

Il faut savoir que la ville d'Ys avait été bâtie contre les flots, et ce qui empêchait que la mer s'y engouffrât et la submergeât, c'était un ingénieux système d'écluses, que nul ne pouvait ouvrir sans en posséder les clefs. Or les clefs, c'était Gradlon qui les avait toujours autour de son cou... Et l'étranger réclama à Dahut les clefs de la ville. Sous son emprise, celle-ci lui obéit et alla les dérober à son père durant son sommeil. Alors l'étranger se découvrit sous son vrai visage : celui du Diable. Avant que Dahut n'ait eu le temps de faire quoi que ce soit, il disparut et toutes les portes des écluses furent ouvertes, et dans un tulmute effrayant l'Océan envahit la Cité.

Réveillé par Saint Gwénolé qui lui était venu en apparition, Gradlon entreprit de se sauver. Il enjamba son cheval Morvac'h qui partit au galop, guidé par le saint homme. Alors le roi aperçut sa fille, qui l'appelait et l'implorait. Il avait toujours été un (trop) bon père, aussi il la prit en croupe. Mais Morvac'h, qui portait désormais sur lui le poids du Mal, s'en trouva ralentit, et les flots gagnaient en distance. Saint Gwénolé ordonna au roi de jeter le démon qui était assis derrière lui, mais il ne le pouvait... C'était sa fille, quand même ! Alors Gwénolé la poussa de sa crosse et Dahut bascula dans les flots pour y disparaître. Alors l'Océan s'apaisa. Mais de la cité, il ne restait plus rien de visible.

Toutefois, Dahut n'est pas morte pour autant. Elle est devenue sirène et se nomme désormais Morgane. Quant aux habitants de la cité, leurs âmes n'ont pu être sauvées, ils restent maudits et condamnés à errer dans la ville sous-marine dévastée. Pour qu'elles soient sauvées, il faut qu'un vivant accepte de descendre dans la cathédrale engloutie et de répondre à la messe du prêtre des revenants. Si un jour vous allez à Douarnenez, le jour de la grande marée au mois de mars, regardez au large de la baie : quand la mer sera au plus bas, vous verrez surgir hors des flots la croix du clocher de la cathédrale, ultime vestige de la cité à être encore visible une fois par an.

Pa vo beuzet Paris, Ec'h adsavo Ker Is.
Quand Paris sera engloutie, resurgira la ville d'Ys.

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Gorborenne
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MessageSujet: Re: En attendant l'épée, quelques histoires de Féérie....   En attendant l'épée, quelques histoires de Féérie.... Icon_minitimeLun 21 Sep - 1:53

De ce qu'il en connaissait, Gorborenne aimait beaucoup la Bretagne. Pour lui que venait de l'intérieur du continent, très loin vers l'est, où les plus grandes étendues d'eau restent des lacs, l'idée d'une région bordant un immense océan ressemblait à un horizon infranchissable de fin du monde. Jamais encore ses pieds n'avaient foulé le sol de cette terre, mais il avait quelques amis Bretons et ceux-ci lui avaient conté nombre d'histoires et légendes de leur pays. Si celle de la ville d'Is qu'il venait de lire lui était déjà connue, le Chauve avait été ravi de trouver dans la bibliothèque un recueil contenant quelques récits sur l'Ankou, le passeur des morts de Bretagne. Ce sinistre personnage apparaissait souvent, tant dans les contes que les proverbes, mais il avait sous la main à présent deux "authentiques" histoires qu'il ne connaissait pas.

Citation :

La route Barrée
- Parce qu'on ne peut se permettre de ralentir la mort... -

Trois jeunes gens, les trois frères Guissouarn, du village de l’Enès, en Callac, revenaient d’une veillée d’hiver dans une ferme assez éloignée de chez eux. Pour rentrer, ils avaient à suivre quelques temps l’ancienne voie royale de Guingamp à Carhaix. Il faisait temps sec et claire lune, mais le vent d’est soufflait avec violence.

Nos gars, que le cidre avait égayés, chantaient à tue-tête, s’amusant à faire résonner leurs voix plus fort que le vent. Soudain, ils virent quelque chose de noir au bord de la douve. C’était un vieux sécot de chêne que la tempête avait déraciné du talus.

Yvon Guissouarn, le plus jeune des trois frères, qui avait l’esprit enclin à la malice, imagina un bon tour.


- Savez-vous ? dit-il, nous allons traîner cet arbre en travers de la route, et, ma foi, s’il survient quelque roulier après nous, il faudra bien qu’il descende de voiture pour déplacer l’arbre s’il veut passer.

- Oui, ça lui fera faire de beaux jurons, acquiescèrent les deux autres.

Et les voilà de traîner le sécot de chêne en travers du chemin. Puis, tout joyeux d’avoir inventé cette farce, ils gagnèrent le logis. Ils ne couchaient pas dans la maison.

Pour être plus à portée de soigner les bêtes, tous trois avaient leurs lits dans la crèche aux chevaux. Comme ils avaient veillé assez tard et qu’ils avaient en plus la fatigue d’une journée de travail, ils ne furent pas longs à s’endormir. Mais, au plus profond de leur premier somme, ils furent réveillés en sursaut. On heurtait avec bruit à l’huis de l’étable.


- Qu’est-ce qu’il y a? demandèrent-ils en sautant à bas de leurs couchettes.

Celui qui frappait se contenta de heurter à nouveau, sans répondre.

Alors l’aîné des Guissouarn courut à la porte et l’ouvrit toute grande : il ne vit que la nuit claire, n’entendit que la grosse haleine du vent. Il essaya de refermer la porte, mais ne put. Les forces de ses frères réunies aux siennes ne purent pas d’avantage. Alors, ils furent saisis du tremblement de la peur et dirent d’un ton suppliant :


- Au nom de Dieu, parlez! Qui êtes-vous et qu’est-ce qu’il vous faut ?

Rien ne se montra, mais une voix sourde se fit entendre, qui disait :

- Qui je suis, vous l’apprendrez à vos dépens si, tout à l’heure, l’arbre que vous avez mis en travers de la route n’est pas rangé contre le talus. Voilà ce qu’il me faut. Venez.

Ils allèrent tels qu’ils étaient, c’est-à-dire à moitié nus, et confessèrent par la suite qu’ils n’avaient même pas senti le froid, tant l’épouvante les possédait tout entiers. Quand ils arrivèrent près du corps de l’arbre, ils virent qu’une charrette étrange, basse sur roues, attelée de chevaux sans harnais, attendait de pouvoir passer. Croyez qu’ils eurent tôt fait de replacer le sécot de chêne à l’endroit où ils l’avaient trouvé abattu. Et l’Ankou - car c’était lui - toucha ses bêtes, en disant :

- Parce que vous aviez barré la route, vous m’avez fait perdre une heure : c’est une heure que chacun de vous me devra. Et si vous n’aviez pas obéi incontinent à mon injonction, vous m’auriez dû autant d’années de votre vie que l’arbre serait resté de minutes en travers de mon chemin...

Gorborenne sirota quelques gorgées d'eau de vie tout doucement. Le liquide lui brûlait les plaies qui tapissaient l'intérieur de sa bouche, des coupures au joues au dents déchaussées. Heureusement, se disait-il, elle bougeaient tout en restant bien en place. Il reposa son verre, et passa quelques instants à contempler une illustration de l'Ankou, avant de s'attaquer à la lecture de l'autre récit.

En attendant l'épée, quelques histoires de Féérie.... 090921123804758094492335


Citation :

L'Ankou et le Forgeron


Fanch ar Floc’h était forgeron à Ploumilliau. Comme c’était un artisan modèle, il avait toujours plus de travail qu’il n’en pouvait exécuter. C’est ainsi qu’une certaine veille de Noël, il dit à sa femme après le souper:

- Il faudra que tu ailles seule à la messe de minuit avec les enfants : moi, je ne serai jamais prêt à t’accompagner : j’ai encore une paire de roues à ferrer, que j’ai promis de livrer demain matin, sans faute, et, lorsque j’aurai fini, c’est, ma foi, de mon lit que j’aurai surtout besoin.

A quoi sa femme répondit :

- Tâche au moins que la cloche de l’Elevation ne te trouve pas encore travaillant.

- Oh! fit-il, à ce moment-là, j’aurai déjà la tête sur l’oreiller.

Et, sur ce, il retourna à son enclume, tandis que sa femme apprêtait les enfants et s’apprêtait elle-même pour se rendre au bourg, éloigné de près d’une lieue, afin d’y entendre la messe. Le temps était clair et piquant, avec un peu de givre. Quand la troupe s’ébranla, Fanch lui souhaita bien du plaisir.

- Nous prierons pour toi, dit la femme, mais souviens-toi, de ton côté, de ne pas dépasser l’heure sainte.

- Non, non. Tu peux être tranquille.

Il se mit à battre le fer avec ardeur, tout en sifflotant une chanson, comme c’était son habitude, quand il voulait se donner du coeur à l’ouvrage. Le temps s’use vite, lorsqu’on besogne ferme. Fanch ar Floc’h ne le sentit pas s’écouler. Puis, il faut croire que le bruit de son marteau sur l’enclume l’empêcha d’entendre la sonnerie lointaine des carillons de Noël, quoiqu’il eût ouvert tout exprès une des lucarnes de la forge. En tout cas, l’heure de l’Elevation était passée, qu’il travaillait encore. Tout à coup, la porte grinça sur ses gonds.

Etonné, Fanch ar Floc’h demeura, le marteau suspendu, et regarda qui entrait.


- Salut ! dit une voix stridente.
- Salut ! répondit Fanch.

Et il dévisagea le visiteur, mais sans réussir à distinguer ses traits que les larges bords rabattus d’un chapeau de feutre rejetaient dans l’ombre. C’était un homme de haute taille, le dos un peu voûté, habillé à la mode ancienne, avec une veste à longues basques et des braies nouées au-dessus du genou. Il reprit, après un court silence:


- J’ai vu de la lumière chez vous et je suis entré, car j’ai le plus pressant besoin de vos services.

- Sapristi! dit Fanch, vous tombez mal, car j’ai encore à finir de ferrer cette roue, et je ne veux pas, en bon chrétien, que la cloche de l’Elévation me surprenne au travail.

- Oh ! fit l’homme, avec un ricanement étrange, il y a plus d’un quart d’heure que la cloche de l’Elévation a tinté.

- Ce n’est pas Dieu possible! s’écria le forgeron en laissant tomber son marteau.

- Si fait ! repartit l’inconnu. Ainsi que vous travailliez un peu plus, ou un peu moins!… D’autant que ce n’est pas ce que j’ai à vous demander qui vous retardera beaucoup; il ne s’agit que d’un clou à river.

En parlant de la sorte, il exhiba une large faux, dont il avait jusqu’alors caché le fer derrière ses épaules, ne laissant apercevoir que le manche, que Flanch ar Floc’h avait, au premier aspect, pris pour un bâton.

- Voyez, continua-t-il, elle branle un peu : vous aurez vite fait de la consolider.

- Mon Dieu, oui ! Si ce n’est que cela , répondit Fanch, je veux bien.

L’homme s’exprimait, d’ailleurs, d’une voix impérieuse qui ne souffrait point de refus. Il posa lui-même le fer de la faux sur l’enclume.

- Eh ! mais il est emmanché à rebours, votre outil ! observa le forgeron. Le tranchant est en dehors! Quel est le maladroit qui a fait ce bel ouvrage?

- Ne vous inquiétez pas de cela, dit sévèrement l’homme. Il y a faux et faux. Laissez celle-ci comme elle est et contentez-vous de la bien fixer.

- A votre gré, marmonna Fanch ar Floc’h, à qui le ton, du personnage ne plaisait qu’à demi.

Et, en un tour de main, il eut rivé un autre clou à la place de celui qui manquait.


- Maintenant, je vais vous payer, dit l’homme.

- Oh ! ça ne vaut pas qu’on en parle.

- Si ! tout travail mérite salaire. Je ne vous donnerai pas d’argent, Fanch ar Floc’h, mais, ce qui a plus de prix que l’argent et que l’or: un bon avertissement. Allez vous coucher, pensez à votre fin, et, lorsque votre femme rentrera, commandez-lui de retourner au bourg vous chercher un prêtre. Le travail que vous venez de faire pour moi est le dernier que vous ferez de votre vie. Kénavô!

L’homme à la faux disparut. Déjà Fanch ar Floc’h sentait ses jambes se dérober sous lui : il n’eut que la force de gagner son lit où sa femme le trouva suant les angoisses de la mort.

- Retourne, lui dit-il, me chercher un prêtre.

Au chant du coq, il rendit l’âme, pour avoir forgé la faux de l’Ankou.



Le Chauve resta la un moment à ressasser ses deux histoires. Ce qu'il aimait au personnage de l'Ankou, c'est qu'il n'était pas dépeint comme un faucheur aveugle, mais qu'il était plutôt là pour avertir le vivant de ne pas se plaindre de son existence, car tôt où tard, qu'elle qu'aie été la vie d'une personne, c'est par la faux de l'Ankou qu'elle prendra fin, et cela, rien ne peut l'éviter. Gorborenne, qui venait de voir la mort en face - de si près qu'il aurait pu dire la couleur de ses yeux si elle en avait - ressentais plus qu'il ne comprenais ce message. Oui, la vie peut s'arrêter à tout moment, brusquement, ou pas. Mais ne vivre que dans le présent est égoïste du moins, c'est ce qu'il pensait. Le Chauve avait pour façon de tirer de chaque moment ce qu'il avait de meilleur pour en paver la route des instants futurs.

Mais, dans le couloir, un bruit de pas le tira de sa rêverie. l'heure était pourtant avancée dans la nuit. Qui donc se promenait pleine nuit dans les couloirs du château? Enfin, le propriétaire des pieds s'il venait à entrer pourrait lui poser la même question. Avec la porte refermée, il n'arrivait pas à dire à qui appartenait ces échos, ni même de savoir distinctement s'ils s'éloignaient où se rapprochaient.

Pourquoi pas? se disait-il. Un peu de compagnie pour partager une bonne histoire....
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