[Nouvelle année.... Nouvelle vie.......]

Dur dur la vie de Papounet..... Mais il aime ça le Chauve, et depuis que les jours se sont mis à rallonger, chacun d'eux se réveille sur un sourire...... À l'aube, celui d'Orion, toujours levé avec le Soleil. Sourire à sa Douce qui dort encore, puis à Lileia et Goran, roupillant tout pareil dans leur petit berceau taillé avec soin par les charpentiers du château, puis aux braises encore chaudes dans l'âtre sur lesquelles il rajoute quelques buches. Inconsciemment, Gorborenne associe l'avantage mathématique à avoir des enfants en hiver.... À chaque fois que les jumeaux les réveillent pendant la nuit pour réclamer leur tétée, le Géant, plutôt que de grommeler sous les couvertures à se tourner les pouces en profite pour remettre une bûche dans le feu, puis rajouter une pièce au mobile qui grandissait au dessus du berceau.

Quelques brassée d'eau sur le visage pour se rafraîchir, et le Géant s'assied à la table posée contre un des murs de l'espace au second étage du Donjon, juste sous la terrasse. Depuis le retour, depuis le banquet, l'atmosphère maudit qui régnait ici semble s'être retiré au creux des pierres que cachent un mobilier naissant, amenant au jour le jour une apparence d'appartements agréables à ce qui fut autrefois le théâtre de sombres faits.

Une de ses mains attrape distraitement un vélin d'une toile de texture étrange, entre la soie et le parchemin, similaire à celle composant les lanternes célestes qui avaient illuminé le banquet quelques jours plus tôt. Tout cela avait été ramené et offert par Adélaïde. Tout cela, semblait-il, venait du lointain Orient. Gorborenne qui vient déjà de très loin à l'est, comprit aux dires de la Blonde que ce vélin qu'il tient entre les mains vient d'encore plus loin.

Le Géant sourit. Ce qu'il a très bien compris aussi sans qu'Adélaïde ait du lui dire quoi que ce soit à ce sujet, c'est qu'entre ses doigts, c'est un des précieux trésors du Petit Sentiers qui ondule dans un petit courant d'air. Trésor, de fait. En une période où les livres sont rares et le parchemin couteux, ces vélins pourraient faire affaire de produit de luxe auprès des connaisseurs et se négocier de petites fortunes...... Des années d'opulence assurées jetées au vent en quelques minutes pour une petite lueur d'espoir, Gorborenne reconnait bien là les façons du Petit Sentier. Sourire qui se fait complice de lui même quand il calcule l'étendue du domaine que la Blonde aurait pu s'acheter plutôt que d'envoyer un paquet de lanternes se perdre à l'horizon. Les doigts d'Orion, dextres et précis malgré leur démesure se mette à plier le papier par endroit, retournant le feuillet dans tous les sens, apportant peu à peu un relief à sa platitude.....

Les mains s'agitent d'elles mêmes, l'esprit qui s'égare. D'abord quand même un peu sur le vélin qu'il plie et chiffonne qui, avec ceux qui ont déjà subi le même sort et ceux qui attendent encore leur tour, pourrait peut être suffire à payer ce bateau dont il rêve tant..... Mais bon, le Petit Sentier, lui aussi en est un des traceurs depuis déjà bien des saisons maintenant. Et dans le creux des plis qui viennent s'entremêler à la surface du vélin, il y a d'autres rêves et espoirs qui se bousculent.

La veille, il était rentré tard. Jusqu'à loin dans la nuit, Gorborenne était resté au plus profond de la forêt d'Arquian en quête de certaines réponses. Et encore une fois, le Démon en avait rit a gorge déployée. Quelques temps plus tôt, déjà, il était venu, et était reparti avec l'espoir de voir un jour quelque chose renaître de sous la cendre.

Retour quelques années en arrière, la seule et unique leçon de Soule du Géant, auquel sa carrure promettait pourtant une brillante carrière dans ce sport. Antonin de la Botte, contrebandier, ami de longue date, compagnon de route et mentor même par moments, s'était entiché de lui enseigner les arcanes de la chose, et avait commencé le cours par un principe élémentaire disant que "toutes les balles qu'on lance, on finit par se les reprendre dans la figure à un moment ou l'autre"..... Appuyant ses dires d'un ballon lancé à pleine vitesse sur le nez du Chauve.... petit craquement de cartilage, flot de sang et fin de la leçon...... Naïf qu'il était de n'avoir compris qu'il y avait là pas seulement l'enseignement d'un sport mais de toute une vie....

Mais l'espoir est des choses qui aveuglent à en oublier celles qui sont pourtant élémentaires.... Comme se méfier du sourire d'un Démon, de Surt qui ricanait dans son coin alors qu'Orion s'en allait vendre son âme. En échange de quoi? Et bien d'un espoir justement, celui de voir guérir et renaître sous la brulure la chair et la terre trop longtemps meurtries par les flammes. Un rêve égoïste peut-être, mais aussi celui de le transmettre un jour, d'offrir en héritage un manteau de verdure plutôt qu'un tapis de cendres.....

Mais finalement qu'importe le vent qui nous mène quand on ne prend pas garde à sa voilure. Si la toile se déchire, on peut toujours essayer de la recoudre, mais qui sait si elle claquera toujours avec autant d'ardeur sous la brise légère? Mais comme la figure dont il porte le nom, Orion est aveugle. Il n'a pas vu l'épée de Damocles qu'il s'accrochait lui même au dessus de la tête, non plus qu'il tendait à Surt tout le pouvoir qu'il espérait lui ôter.

Un mois.... Le délai qui lui avait été donné..... écoulé depuis peu. Une escapade dans les ténèbres des sous-bois, chercher sous les feuilles l'empreinte d'une graine qui renaît..... Gorborenne du Bois Cendré, ce n'est pas le nom qui fut donné à Orion à sa naissance, mais celui qu'il s'est choisi lui-même face à l'héritage qu'il porte sur son dos. Alors pourquoi a-t-il voulu le changer? On pourrait aussi se dire "à quoi bon chercher à trouver quelque chose au fond de la forêt en pleine nuit?" L'un dans l'autre, ça sonne un peu absurde...... mais Orion est aveugle, alors comment pourrait-il percevoir l'obscurité?..... Comment pourrait-il s'orienter dans les ténèbres?

Mais s'il ne voit rien, la nuit dernière, ça ne l'a pas empêché de sentir distinctement l'épée de Damocles rompre son fil où elle attendait depuis plus d'une lune et lui transpercer le corps en répandant sa brulure glacée. Ni d'entendre le grand éclat de rire de Surt jouissant d'avance de toutes les cicatrices que cette nouvelle blessure allait pouvoir laisser. Et Orion qui pensait avoir trouvé là une manière de l'affaiblir...... S'il avait su le prix à payer..... Naïf qu'il avait été de croire en tout cas qu'il ne s'y trouverait pas la part lui étant échue ......

Les mouvements de ses mains se font un peu rageurs, habillant le silence des froissements du vélin qui se plie et se déplie entre ses doigts. Une main qui se tends vers l'encrier, légèrement hésitante, ramenant une plume qui se fige, tendue vers le vélin, brûlant d'y laisser quelques mots. Une goutte d'encre qui tombe, un sourire timide qui se dessine sur ses lèvres alors qu'il jette un regard vers Lileia et Goran endormis l'un contre l'autre dans le petit lit, qu'il se laisse bercer par la lente respiration de sa douce Isa allongée sous les couvertures...... Cédalia..... Orion aveugle? Certainement pas! Puisque la lumière de Cédalia éclaire son chemin. Naïf sont ceux qui auraient pu croire cela, naïf fut Surt qui lui-même se laissa prendre au jeu......

Dans les ténèbres où il avait choisi de s'avancer, l'aveugle savait très bien où il mettait les pieds. Le prix de son rêve? Les derniers souvenirs qu'Orion garde de la terre qui l'a vu naître sont ceux du brasier qui l'a emportée.... Alors qui pourrait connaître mieux que lui le tribut pour l'espoir de voir reverdir une terre brûlée et de pouvoir l'offrir en héritage à ses enfants? À chaque fois qu'il a pu formuler ce rêve, en pensée ou en mots, son prix s'étalait devant ses yeux d'une manière où d'une autre. Ce que même Surt n'avait pas compris, c'est qu'Orion avait accepté de l'assumer depuis bien longtemps....... La plume finit par glisser, laissant sur le vélin quelques mots alignés à la hâte.

"Si je pouvais t'offrir le bleu secret du ciel,
Brodé de lumière d'or et de reflets d'argent,
Le mystérieux secret le secret éternel,
De la vie et du jour, de la nuit et du temps,
Avec tout mon amour je le mettrais à tes pieds.
Mais moi qui suis pauvre et n'ai que mes rêves,
Sous tes pas je les ai déroulés.
Marche doucement car tu marches sur mes rêves." [1]

Plus posément déjà, la plume retourne dans l'encrier, et des doigts plus calmes viennent emballer les vers dans les pliures du vélin, formant peu à peu l'écrin qui cachera ces quelques mots aux yeux du monde. Orion se laisse aller dans son siège et observe la petite sculpture qu'il tient au creux des mains. Il l'ausculte presque, comme s'il cherchait dans les pétales du vélins.... rien du tout en fait..... Son choix? Il l'a fait il y a déjà bien longtemps, quand une Bulle était venue se réchauffer entre ses bras de Géant... comme cette fleur qu'il tient là dans ses mains......

Des paupières qui se ferment, un long soupir, emportant cette part de lui-même auquel il a renoncé pour son rêve, laissant derrière elle une autre cicatrice...... Des yeux qui se rouvrent sur le petit jour se faisant plus présent entres les fentes du volet. Orion se lève pour aller s'assoir sur le rebords de la couche à côté de Cédalia toujours endormie. Délicatement, il dépose la petite fleur à son chevet, réservant le pliage à sa douce Cédalia plutôt qu'à leurs enfants au dessus desquels oscille un mobile déjà lourdement garni de toutes les sculptures des nuits précédentes. Il se laisse aller un moment à glisser ses doigts dans la chevelure répandue en cascade sur l'oreiller..... Petit baiser sur le front d'Isa, un "je t'aime" rompant à peine le silence..... Il se redresse, contemple Lileia et Goran dans leurs berceau, remonte un peu la couverture qui a glissé sous leurs efforts conjugués en souriant face à leurs visages si sereins, toujours endormis, mais avec des petites bouches montrant déjà les prémices des prochaines réclamations nutritives..... Ils ne tarderons pas à se réveiller.... et leur mère au passage.....

Orion se relève et enfile ses bottes et son habit de cuir par dessus le reste, boucle son ceinturon et descend à l'étage inférieur..... Madeleine est déjà là..... Le Géant a toujours du mal à se faire à l'idée d'avoir quelqu'un "d'extérieur" en ses murs, mais la pauvre servante n'en mène sans doute pas plus large d'affronter la carrure de la Tour - la bâtisse comme le géant - tous les matins. Mais Gorborenne apprécie de la jeune femme autant les compétences que la discrétion. Isa l'avait bien choisie.... Petit regard autour de lui.... Madeleine a déjà préparer pain, fromages et charcuteries sur la grande table de chêne trônant majestueusement au milieu de la pièce de vie.

Saluant la servante, il empile sur une main trois tranches - en partant du bas, pain, saucisson, fromage - et avale le tout à grande bouchées.

- bongnjou Mad'eine, brougl'vez bien dormi? Merci d'être venue si tôt... Gbni vous gvnoulez, je peux vous faire ins'brglm'ler un lit dans la Tour, si ça peux vous aider.....

Finissant sa "tartine" il enfile et ajuste son plastron tout neuf, passe une large cape sur ses épaules et attrape sa hache boréenne ramenée du Val et s'apprête à sortir.

- Vous voudrez bien signaler à Isa que je l'attends à la salle d'armes des Dragons dès qu'elle aura nourri les enfants....

S'enveloppant de sa cape, Orion quitte son Donjon et enfonce ses larges pas dans la neige vers l'enceinte du castel qui peu à peu se réveille.

[1]He Wishes for the Cloths of Heaven,William B. Yeats, traduction plus "dans l'esprit" que "littérale".....]

Messages : 4 Date d'inscription : 14/12/2009

Madeleine pestait. Depuis une demi-heure, elle était là et attendait que quelqu'un daigne enfin descendre. Elle s'était levée avant le soleil, dans une chambre glacée et n'avait pu trouver d'eau pour faire un brin de toilette. Le seul broc présent contenait un bloc de glace. Elle s'était habillée à la hâte, de peur de prendre la même consistance que le contenu du broc ... et avait quitté l'alcôve , laissant sa soeur terminer une nuit trop courte.

Puis il avait fallu affronter la bise et la neige qui tombait par gros paquets, longer la coursive, pousser la lourde porte et filer le long du rempart .... pour finalement faire face à la porte de la tour. Jamais elle n'était venue jusque là avant, dans le noir. Ladite porte avait émis un grincement sinistre lorsqu'elle l'avait poussée et Madeleine avait encore des frissons dans le dos rien qu'en y repensant. Ensuite... le noir total. Pas une lumière, pas un flambeau. RIEN ! En faisant trois pas, elle avait chuté sur la première marche menant aux fameux appartements et c'est en pestant qu'elle avait gravi les autres, le coeur au bord des lèvres tant le sifflement du vent la terrorisait.

Une nouvelle porte, sous laquelle filtrait un peu de lumière. Elle l'avait poussée lentement ... et celle-ci n'avait pas émis le moindre son. C'est ainsi qu'elle avait pénétré dans la fameuse "retraite" du géant.

Il l'impressionnait toujours, et ce depuis le premier jour et malgré les paroles rassurantes de Dame Isa. Elle avait accepté de se mettre à leur service pour soulager un peu la jeune mère et s'occuper des bébés et du ménage... enfin surtout du ménage apparemment, sauf peut-être lors des déplacements. Elle avait entrevu les jumeaux quelques fois depuis leur arrivée à Arquian. Mais leur mère et leur père les couvaient tellement qu'elle n'avait pas pu les approcher encore . Pourtant, il faudrait bien que cela change bientôt. Si la dame avait prévu de combattre, comme elle le lui avait indiqué lors de leur entrevue, elle devrait lui confier ses trésors. Alors autant le faire dès que possible.

Tout en maugréant, Madeleine préparait la table du petit déjeuner. La vaste pièce était peu meublée et elle n'avait eu aucune difficulté à trouver de quoi rendre la table accueillante.
Des pas dans l'escalier menant apparemment à l'étage supérieur la tirent de sa rêverie ... Il arrive. Madeleine le salue d'un signe de tête, hésitant un instant à faire une révérence... mais non, il n'est pas seigneur de ce lieu lui. Le seigneur d'Arquian, elle l'a entrevu lors des fêtes de la Saint Noël. Quelle stature... quelle prestance... et quels yeux ... Elle aurait aimé danser avec lui... ah biensûr sa robe n'était pas la plus élégante mais le regard qu'il lui a jeté un bref instant ne l'a pas laissée indifférente ... Une mélodie revient à son esprit ...

"grande fête au chateau il y a bien longtemps ... les belles et les beaux nobliaux .."

Soudain la voix du géant la tire de sa rêverie.

Euh un lit ? Ici ??? c'est gentil mais ... je pense que votre famille a besoin aussi de moments d'intimité et ... Dame Isa sait comment m'appeler rapidement.

Le test avait été concluant. Lors de la discussion au sujet des prestations à fournir au "domicile" du couple, il avait été question d'un système permettant de communiquer rapidement. Et c'est en regardant par la fenêtre que Madeleine avait trouvé la solution. En effet, tant les fenêtres de l'atelier que celle des alcôves donnaient sur la tour. Il suffisait d'agiter une petite cloche à la tour pour que Madeleine sache que sa présence était requise. Après deux essais concluants, la méthode avait été adoptée à l'unanimité.

Je lui ferai part de votre ... demande oui . Passez une agréable jour...

Arf ! Déjà la porte s'était refermée. Soupire de soulagement. Après tout, il est grand oui, mais il sait se comporter de façon aimable.... enfin... dans l'ensemble. Un peu rassurée, Madeleine s'installe sur une des chaises qui entourent la table et attend patiemment que la dame descende à son tour.

[Dans la chambre ]

Un petit couinement interrogateur ... suivi d'un murmure plaintif comme hésitant, qui a le don d'arracher un sourire à la bouche maternelle. Goran s'éveille le premier, comme à son habitude et semble mettre un point d'honneur à ne pas réveiller sa soeur ... sans doute pour éviter qu'elle passe avant lui pour le repas matinal.
Isa s'éveille, une chaleur agréable flotte dans la piece ce matin. Elle glisse machinalement la main vers la place à ses côtés... vide une fois de plus. Les hommages à l'astre du jour resteront une priorité et en se souvenant de son premier réveil au Val - nouveau sourire - Cédalia se promet intérieurement d'accompagner plus souvent Orion pour cette rencontre... mais quand il fera un peu plus chaud et que les nuits seront plus longues ....
Depuis le retour à Arquian, la tour a été amménagée petit à petit, en fonction des premières nécessités. La première étant bien entendu un vaste berceau commandé en cachette par le géant aux charpentiers du chateau, et qui trônait un soir au beau milieu de la chambre, au retour d'Isa. Il est vrai que le couffin qu'elle avait déniché peu avant la naissance, et qui avait bien servi au Val, n'était prévu que pour un seul enfant. Petit à petit d'autres meubles étaient apparus, dont une grande garde robe héritée par la jeune femme et qui était entreposée depuis des années dans la ferme familiale. Son père, après avoir appris la nouvelle de la naissance, avait fait livrer l'armoire ainsi qu'un vaste lit de chêne au chateau. Le tout était accompagné d'un petit mot qu'Isa gardait précieusement avec d'autres trésors de son enfance.

S'asseoir, se frotter un peu les yeux pour les aider à retrouver leur place, poser un pied puis l'autre sur le sol ... non ... dans les épais chaussons tricotés par Madeleine et Camille en guise de cadeau de noël - Rose pour Isa, verts pour Gorbo - attraper le châle gris et le glisser sur ses épaules. Arrêt. Là, posée sur la table de chevet ... Cédalia se penche et saisit délicatement la fleur de papier .... la contemple admirative avant de découvrir le texte qui y a été posé. Coeur qui s'emballe, regard vers la terrasse où ses pas la mènent spontanément ... personne. Emue, Cédalia relit les phrases et s'en imprègne, tandis que de douces pensées s'envolent vers Orion ...
Mais très vite, elle est tirée de ses pensées par Goran qui commence à trouver le temps un peu long. Arrivée près du berceau, elle jette un regard pensif vers le mobile qui semble avoir encore changé ... Nouveau frisson. * Orion ... *

Pour la première fois, le bébé semble attiré par les légères oscillations au dessus de sa tête et sourit. Si son père pouvait voir ça ... Isa contemple un instant son fils, heureuse de cette nouvelle avancée... Le regard de Goran se pose sur le visage maternel ... nouveau sourire ... Cédalia frissonne, émue tandis que ses mains attrapent délicatement l'enfant pour le serrer contre elle ... La tétée commence, dans le calme.
Longues minutes câlines avant que les jumeaux se rendorment à nouveau ... propres et repus. Isa s'habille rapidement, son corps retrouve petit à petit la vigueur et les formes d'avant... enfin presque.
Les yeux de la jeune femme reviennent une fois encore sur la délicate fleur, puis le mobile... * Orion ... ! *

[Plus tard ... un étage plus bas]

Bonjour Madeleine ! Quel bonheur cette table dressée ...hmm ! Vous avez déjeuné ?

Cédalia attrape d'un geste la cruche d'eau et s'en verse un plein gobelet qu'elle vide aussitôt. Le déjeuner se passe joyeusement, Isa en profite pour donner quelques consignes à la jeune fille au sujet des enfants. C'est la première fois qu'elle se sépare d'eux ...

Le coeur serré mais résolue à apprendre le maniement des armes , elle avale ses dernières bouchées de pain puis se lève et sort, direction la salle d'armes.... Les choses sérieuses peuvent commencer.

Au soir, Orion et Cédalia étaient revenus fourbus. L'entrainement, s'il n'avait encore rien eu d'excessif s'était montré éprouvant autant pour l'un que pour l'autre, aucun des deux ne s'étant exercé aux armes depuis un long moment. Malgré la double naissance, Isa avait pourtant de l'énergie à revendre et rien ne semblait échapper à son regard curieux. Bien sur, n'en étant déjà pas un à la base, et au vu du peu de temps dont ils disposaient, il n'aurait guère le temps de faire d'elle une grande bretteuse, mais il espérait pouvoir lui apprendre à jouer sur sa souplesse et sa petite taille, la destinant plutôt à la vitesse et la précision qu'à la force et la puissance d'impact.... ce qui est somme toute, relève plutôt de son domaine à lui.

Et encore tant à lui apprendre. La soirée s'était déroulée autour de la préparation des onguents. Les premières notions, essayer de la préparer à la dureté de ce qu'elle risquera d'affronter.... Ne pas penser au pire.... ça N'ARRIVERA PAS..... mais d'autres choses le tracasses.... Du côté des soins, il fait confiance à Isa pour retenir l'essentiel pour sauver les blessés qui afflueront des combats, mais ce qui le perturbes vient d'ailleurs...... de lui même......

Alors que la nuit s'interrompt pour la première fois et qu'Orion en profite que Cédalia nourisse les jumeaux et descend empoter l'onguent antiseptique et cicatrisant qu'ils viennent de préparer. Transvasant la crème dans des petits récipients, ses gestes se fond plus mécaniques, jetant sur les murs un ballet d'ombres fantomatiques à la faible lueur des braises mourant dans l'âtre.....

Laissant son esprit errer dans les méandres de sa propre conscience, Orion part à la recherche de Surt, étrangement silencieux depuis quelques jours. Ne plus entendre résonner son rire sarcastique au fond de sa pensée le perturbe plus qu'il n'y parait.... Enfin, s'il n'y avait que ça..... comme un chemin devant lui, la route de son pays sort fugacement du brouillard pour s'y envelopper à nouveau.... Il repense aux paroles d'Isa.... Retourner là-bas.... De seulement pouvoir y songer ce que ça lui à couté....

Sirotant un reste refroidi de l'infusion de menthe qu'ils ont partagés quelques heures plus tôt, c'est le trajet de celle-ci qui lui revient par bribes. Cueillies et séchées peu de temps avant de rejoindre les Dragons, cultivée "chez lui", en Auvergne.... Puis bien avant ça, l'histoire de quelques graines, ramenées par le Berbère Medhi Sharif Ali, originaire des étendues de sables au delà de la Méditerranée, de comment le vieux nomade en exil de ce côté ci de la mer se les étaient procurées, et combien lui avait couté de retrouver cet arôme de son pays. Gorborenne ne se souvient plus exactement de quoi, mais il se rappelle surtout de la phrase du contrebandier quand il termina son histoire : "Le prix? Je l'ai payé volontiers....."

Orion se laisse aller un moment à sangloter sur la table, le cœur brûlé à jamais d'avoir du laisser un partie de lui-même à son rêve..... "Le payer volontiers...." Comment aurait il pu? La brûlure dans son dos finalement le tenaille moins que celle qui lui déchire les entrailles. Lui qui demeurait toujours gardien de sa conscience, c'en est une part qu'il a perdu....

[À la croisée des chemins]

Autour de lui, la réalité se tord légèrement alors qu'il sent comme une main amicale sur son épaule. Relevant la tête, Orion contemple incrédule Surt qui s'assied à côté de lui à table. Finalement le voilà.... Mais pourquoi ce sourire compatissant? La Feuille s'attendait à des sarcasmes, pas à un geste presque fraternel, surtout de la part de Surt.

- Qu'est-ce que tu fais là?

- Souviens toi de ce que je t'ai dit..... Que sur la route que tu à choisi de prendre et ces étoiles jumelles que tu as choisi de suivre, je resterai derrière toi pour une partie du chemin...... Mais crois bien qu'aujourd'hui je le regrette.....

- Que tu regrettes quelque chose? Ça serait bien la première fois!

Sur la table, les pots d'onguents sont devenus cruchons de vin et verres que la Flamme remplit. Quelques longues gorgées et il repose son verre, restant un moment silencieux au sarcasme....

- Tu sais, finalement, de nous deux, c'est plutôt moi qui t'ai toujours laisser mener ta vie comme tu l'entendais et faire les choix que tu voulais.... Et jusqu'ici, ça me convenait très bien....

- Jusqu'ici? Où veux-tu en venir?

- Ne fait pas l'ignorant! Tu sais mieux que moi où tes choix nous ont menés! Et t'es même pas foutu de comprendre qu'encore une fois, c'est moi qui ai du les assumer pour toi!

- Arrête avec ça tu veux! C'est faux!

Le ton monte légèrement entre les deux facettes de Gorborenne, le visage toujours dans les mains dans la salle de vie de sa Tour. De la virulence du débat, sans doute seul un juron s'échappe de ses lèvres, mais Orion et Surt, pris qu'ils sont ne s'en rendent sans doute pas compte......

- Gorizont! Tu oses dire ça? Rien que vis à vis de toutes les fois où j'ai sauvé ta peau, c'en est presque odieux de ta part! Mais par tous les dieux, regarde rien que depuis le début de l'automne......

- Qu'est-ce que tu veux dire?

La Flamme termine son godet et s'en ressert un autre, qu'il vide aussi sec, puis toise la Feuille d'un air courroucé.

- Ce que je veux dire, c'est que tu as en quelque sorte rompu notre accord de ne jamais nuire à l'autre, que depuis que tu as choisi de suivre le sentier des Étoiles Jumelles et du Ciel où elles sont accrochées, finalement, moi, le choix, je ne l'ai pas eu....

- Mais....

- Ne m'interromps pas! Regarde-toi! Si tu en venais à perdre ce chemin, je te connais, tu en perdrais l'esprit aussi tôt, ce qui au final nous tuera tous les deux, et ça tu le sais aussi bien que moi. Du coup, tu ne m'as laissé d'autre choix que de te suivre pour couvrir tes arrières......

- Je ne comprends pas......

Surt se relève et s'éloigne calmement....

- Non, bien sur, tu ne peux comprendre..... Mais je te laisse cette victoire pour ce qu'elle vaut, car ce dont je suis sûr à présent, c'est que quelque chose à changé entre nous désormais.....

Orion le suis du regard, intrigué, puis revient à son verre intact, le toise un moment et le vide d'un trait, le repose et reste un moment les yeux dans le vague alors que Surt s'en retourne l'air maussade..... Cette fois, il a perçu ce qu'il à voulu dire..... Et le Démon à raison.... Dans cette histoire, force lui est d'admettre que les rôles se sont un instant inversés....

La journée avait été éprouvante, ponctuée par de petites pauses durant lesquelles Lileia et Goran avaient fait leur apparition à la salle d’armes, le temps de leur tétées.
Isa avait particulièrement apprécié cette journée et les enseignements reçus. Elle s’était trouvée confrontée à des armes encore inconnues et dont Gorbo lui avait expliqué rapidement le maniement. Elle avait pu en essayer quelques unes et devrait perfectionner sa technique et sa dextérité durant les quelques jours qui précédaient le départ.

Toute la soirée avait été dédiée à la préparation d’onguents et à nouveau, Gorbo avait appris à Isa les rudiments dont elle aurait besoin pour soigner les blessés lors de la campagne qui approchait à grands pas. Durant son enfance, elle avait eu l’occasion de s’occuper des animaux de la ferme et le sang et les blessures ne la rebutaient pas. Elle connaissait quelques remèdes appris auprès de sa grand-mère mais ceux-ci constituaient une base dont elle aurait sans doute peu à se servir sur un champ de bataille.

Epuisée par une journée riche en apprentissages divers, Cédalia s’endort rapidement jusqu’aux premiers pleurs de Lileia qui sortent la jeune femme d’un rêve étrange et inquiétant. Alors qu’elle nourrit les jumeaux, elle repense à certains échanges de la soirée qui la laissent perplexe. La tétée se termine … mais le géant n’est pas encore remonté. Isa hésite … tend l’oreille … tout à l’heure déjà, elle avait cru percevoir des bruits étouffés et là .. encore.

Lentement, Cédalia descend les marches qui mènent à l’étage inférieur. Orion est assis à table, l’air hagard et tenant dans ses mains un des pots d’onguent. Sans un mot, elle se glisse derrière lui, pose ses mains sur ses larges épaules, les pétrit doucement avant de les laisse glisser sur son torse tout en andis qu’elle dépose de petits baisers sur le crâne chauve. Le serrant contre elle un long moment, Cédalia murmure à l’oreille d’Orion :

Parles-moi … ne porte pas tout tout seul …

Douceur d'une paire de mains
Une étincelle qui se faufile dans son dos
Frisson rassurant lui courant sur la peau
Une chanson qui lui revient...

"And all the roads we have to walk are winding
And all the lights that lead us there are blinding
There are many things that I would like to say to you
But I don't know how

Because maybe
You're gonna be the one that saves me
And after all
You're my wonderwall"

Mais pourtant aucun mot ne sort
Il n'est pas l'heure encore
De mettre des paroles sur la douleur
Ou une mélodie à la peur.....

Alors Orion contre Cédalia se blottit
Se réchauffe de sa lumière comme il peut
Une sourire, sourire timide qui passe et puis fuit
Le regard n'est pas encore aux aveux.....

Ce soir même Surt ne rit plus
Ses sarcasmes étrangement se sont tus...
Deux âmes en peine pour un Géant
L'un du Pourquoi, l'autre du Comment....

Des bras qui cherchent l'étincelle
Jamais, non jamais ne la perdre elle
Est-elle son salut, à dire vrai il ne le sait
Mais son sourire à quelque chose d'ensoleillé....

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