Deux Anges se promènent

Le Chauve était pas peu fier. Encore au statut d'Apprenti au sein de la Confrérie Troubadour, il avait néanmoins réussi à arracher la première place du concours du mois de septembre 1457. Il fallait choisir pour thème une des 7 vertus et son pêché opposé, et consacrer huit quatrains à chacune d'entre elle, sans jamais changer de forme de rimes.

Gorborenne avait porté sa préférence sur l'Orgueil et le Don de Soi

Citation :

[Deux Anges se Promènent]


Je marche au milieu du chemin
Car en toute chose il n’y a meilleur que moi
Je contemple ce monde qui m’appartient
Être leur Roi me reviendrait de droit

Un homme allongé en travers de la route
Une flaque de sang, visiblement blessé
Cette scène au plus haut point me dégoute
Ce manant m’empêche de passer !

Qu’importe, moi je vaincs tous les obstacles
Pour lui prouver j’avance sans sourciller
Que cette piètre chose s’enfonce dans sa débâcle
Son mollet servira de tremplin à mon pied

Facilement franchi, aussitôt oublié
Puis voilà autre chose qui attire mon regard
Un arbre, à une branche accrochée
Une étrange guirlande aux coloris blafards

Que ce pendu n’eut été encore vivant
Je lui aurais crié d’aller se balancer ailleurs
C’est que j’ai autre chose à faire de mon temps
Que de le contempler dans son malheur

Me voici enfin aux portes de la ville
Ah, que ces gueux sont sales et sentent mauvais
Pourquoi sur moi exemple ne prennent-ils ?
Je suis pourtant un modèle, moi si propre, si frais !

Un marchand de son étal me harangue, il ose !
Je souris il n’y a pas de honte à espérer…
« Sachez que vous êtes aussi méprisable chose
Que ces pourritures que vous vendez. »

J’avance toujours, sans m’arrêter
Tiens, en voilà un qui s’écarte enfin
Lui à compris, que me laisser passer
Du monde entier était le destin




Je m’arrête au bord du sentier
Vouloir la priorité n’est pas ma façon
Et quelqu’un d’autre laisser passer
Mais pas toujours ainsi vont

Au marché souvent je paye
Plus qu’il n’en faut d’écus au vendeur
Pourquoi agir de façon pareille ?
Pour voir dans un sourire une lueur

Des mendiants à l’entrée du bourg
Près de l’un deux je m’assieds
Leur laisser quelques heures de mon jour
Et aussi des deniers pour manger

Plus loin, sur la route, mon frère
Toujours accroché à son perchoir
Chaque jour je désespère
C’est moi qu’on aurait du y voir

À cet arbre auquel il fut pendu
Pour un exemple pour une dette
Aujourd’hui, je paye son du
Mais il n’y a rien que je regrette

Puis sous mes pas un blessé
Le pauvre git mourant à terre
Un peu d’eau fraîche pour le soulager
Il n’y a rien d’autre que je puisse faire

Déjà le froid de la mort le prend
Sa main se serre dans la mienne
Tenir sa vie, encore quelques instants
Pour qu’au feu la flamme revienne

Je continue ainsi mon chemin
Mon cœur ouvert en grand
Toujours se tend ma main
Au gré du monde, au gré des gens



[Deux Anges se promènent sur terre
Deux destins sous un même ciel
Pour lui-même agit Lucifer
Pour les hommes est venu Mikael]

je ne devrais pas, mais je me permets de me permettre ...

il faut que vous arrêtiez Messire, je tombe amoureuse !