Réception d'Umondel

Surpris, le Baron se recula au fond de son siège en considérant Umondel.

Mais....Je ne doute pas de votre volonté de bien faire, et j'approuve le choix de votre amitié avec dame Keltica. C'est une femme forte et courageuse, aux idéaux politiques qui ne demandent qu'à s'affiner avec le temps.
Seulement, vous êtes...

Théo porta le regard sur le parchemin aux bords triturés.

Septième sur une liste de douze noms, avec...4 listes en concurrence, autant dire que vous n'avez aucune chance de devenir membre du Conseil. Je suis désolé si l'on vous a trompé sur ce point.

De plus, quand bien même EVE gagnerait les élections, vous verrez certainement une coalition des autres listes pour empêcher Esmeraldaa d'accéder au trône.
Mes griefs personnels envers cette personne sont nombreux. Elle m'a insulté par le passé et je la trouve incapable de gouverner car elle ne sait pas assumer ses actes. Ce dernier défaut est général à la liste EVE, notez-le bien.
Au départ, cette liste n'était composée que de femmes, ce que je réprouvais, car on visait clairement davantage la démagogie que la compétence.
D'autre part, comme la liste VERT, EVE n'a aucun idéal politique précis, sauf celui de plaire au plus grand nombre sans se soucier des conséquences désastreuses de leurs actes.
Un exemple: l'armée bourguignonne, dans des circonstances confuses, avait attaqué un petit groupe de voyageurs. Au lieu de demander une enquête, de rencontrer les colonels de l'armée, de rassurer la population bourguignonne, la Duchesse Saxaltesse, car c'était elle, alla voir ses victimes, avec une belle publicité elle remboursa de ses propres deniers ces gens.
Attitude généreuse, diriez-vous? Stupide et dangereuse, vous répondrai-je. Stupide, car rien ne prouvait que ces gens étaient réellement innocents. Dangereuse, car rien d'officiel ne fut produit, ni la population ni les soldats ne furent rassurés, ce qui aboutit à la plus grande pagaille. L'Etat-Major démissionna presqu'au complet, de nombreux soldats désertèrent, portant un coup terrible à l'armée bourguignonne, qui se ressent encore aujourd'hui. Les institutions bourguignonnes, dans leur ensemble, furent gravement discréditées. Voilà les effets de la politique à la sauce EVE.

Maintenant, bien que messire Louis Philippe fut mon colistier, je ne peux qu'approuver votre jugement sur lui, surtout qu'il vient de coûter 30 000 écus à notre duché par sa gestion désastreuse des mines.
Je vous conseillerai donc davantage la liste RUBIS, bien que je ne connaisse pas bien leur deuxième colistier, ou mieux la liste BOUM, que mène notre Duchesse actuelle.

La Baronne Angélique....

Sourit en évoquant ce nom.

Oui, nous sommes souvent en opposition, mais toujours amis. Elle fut, elle l'est encore? Une maire compétente de Joinville.

En ce qui me concerne....

le Baron eut un vague soupir.

Je reste attentif aux affaires de la Bourgogne et du Conseil ducal, où j'ai accès par la volonté de la Duchesse Ingeburge, grâce à mon statut de noble.
Mais cela fait longtemps que je ne crois plus aux élections. Je pourrai vous assommer d'arguments pour vous démontrer ma désaffection, mais probablement que vous ne les comprendrez pas. Sachez seulement que je crois qu'il existe d'autres armes que la politique pour faire entendre sa voix.
Puis....On ne peut faire confiance aux politiciens. Maladivement attachés à l'opinion de leurs électeurs, ils craignent de ne rien faire qui pourrait les troubler. En conséquence, ils ne font rien. Pis, ils vous utilisent et vous trahissent, sans le moindre remords, puisqu'ils gardent les votes pour eux.
Alors, non, je ne crois ni en la politique ni aux politiciens. Je pense seulement que certains sont plus nocifs que d'autres. Mais que votre coeur, enflammé d'idéaux, ne se laisse pas éteindre par un tel désabusement. Ma propre rancoeur ne doit pas vous détourner de vos objectifs, s'ils sont beaux et grands.

Théo se leva, entendant qu'il mettrait bientôt fin à la conversation si Umondel n'avait rien d'important à lui dire.

Au moment de raccompagner Umondel, le Baron songea aux paroles de ce dernier. L'avocat ne semblait pas adhérer aux propos du châtelain, et son compliment n'était qu'une formule de politesse. Mais Théo le comprenait. La politique était une belle chose, pour peu qu'on lui accorde de la beauté. Il espérait qu'Umondel comprenne ce point de vue, et ne songe qu'à embellir ses prochaines fonctions par la volonté de son action.
Sur le pas de la porte, un serviteur apporta le cadeau que le Baron avait commandé pour son hôte.

Maître Umondel, pour vous remercier de vos bons services au cours de mon procès, je vous offre ce bel encrier, en espérant qu'il vous plaise. Puissiez-vous l'utiliser pour défendre de votre belle plume vos nombreux clients.