Le meilleur moyen de connaître un lieu est de s'y perdre. Les mains sur les deux poignées d'une porte ciselée par un ébéniste tel un bijou, Aelyce poussa doucement les deux lourds battants pour rester figée devant le spectacle qui s'offrait à ses yeux.
Une salle spacieuse, des bancs capitonnés de velours rouge longeaient les murs, quelques dorures suavement dosées, la salle transportait hors du temps, hors de l'élégante simplicité des autres pièces du château. Tout transpirait la musique, la danse, depuis le sol rutilant qui permet aux chausses de glisser, jusqu'aux grandes fenêtres hautes permettant à des rais de lumières de danser tout autant.
La nuit, la salle devait être nimbée par la lumière dansante des torches disposées tout autour des murs, et la musique de leur crépitement devait être un prélude à des musiques plus entraînantes.
Puis les murs désengorgeant leur musique, elle investit la tête d'Aelyce imaginant la douce mélodie d'un luth qui vibre aux chants plaintifs d'une flûte, et un tambourin qui annonce la cadence : Que commence la danse!
Elle ferme les yeux un instant seulement, tend le bras plié en avant comme si elle avait étreint un cavalier invisible, l'autre bras autour d'une nuque tout autant immatérielle, et entama lentement un pas admirable à en faire épanouir des cœurs. Jamais un cavalier n'avait accompagné sa danse d'une moelleuse élégance. Les dames verraient réalisées les douces visions de leurs lectures pastorales en les voyant elle et lui, l'homme invisible improvisé danser. Elles souriraient en murmurant tout bas des éloges ; leurs yeux languissant suivraient le mouvement de leur membres gracieux.
La danse d'Aelyce n'était que douce rêverie, la jeune femme tourbillonnait, le pas léger semblant quitter le sol avec élégance devançant une étoffe froufroutant à la traine.